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L'URBANISTE QUI TENTE L'URBANISME DURABLE

le 23-11-2008 15:01

La mondialisation mise en images Paul Virilio, météopolitologue

A la Fondation Cartier, Depardon et Virilio auscultent la "Terre natale"

PARIS, 21 nov 2008 (AFP) - 21/11/2008 15h31 - Le photographe-cinéaste Raymond Depardon et l'urbaniste-essayiste Paul Virilio confrontent leurs regards sur les migrations et l'enracinement, dans l'exposition "Terre natale, ailleurs commence ici", jusqu'au 15 mars 2009 à la Fondation Cartier. Théoricien de "la fin de l'espace géographique" et la "pollution des distances", le second a publié de nombreux essais où il réfléchit à la notion de sédentarité, qu'il juge remise en question par les migrations contemporaines.

 

Repères : Paul Virilio est né en 1932. Il est professeur à l'Ecole spéciale d'architecture à Paris, dont il fut directeur et président entre 1968 et 1998. Urbaniste et essayiste, spécialiste des questions stratégiques concernant les nouvelles technologies, il a notamment publié, chez Galilée, La Bombe informatique (1998), Ville panique (2004), L'Art à perte de vue (2005) et L'Université du désastre (2007). En 2002, sous le titre "Ce qui arrive", il a présenté à la Fondation Cartier une exposition sur l'accident dans l'histoire contemporaine.

 

La mondialisation mise en images

Paul Virilio, météopolitologue (in Le Monde 2)


Casquette sur l'œil, Paul Virilio vous reçoit devant les grandes baies de la médiathèque de La Rochelle (Charente-Maritime), où il vit. Cela fait trente ans que l'homme réfléchit à un phénomène excessivement industriel, aujourd'hui électronique, médiatique, boursier-universel : la vitesse, qui a bouleversé notre époque. "Entendez l'extraordinaire accélération que connaissent les transports terrestres, aériens, spatiaux, qui rapetissent notre Terre, mais aussi les communications et les télécommunications qui abolissent le temps et les distances pour nous faire vivre dans l'instantané."

Réfléchir à la vitesse emballée du monde a mené Paul Virilio à s'interroger à la possibilité de "la perte de contrôle" – de l'accident à grande vitesse aux conséquences incontrôlables, qu'il soit "informatique, ferroviaire ou nucléaire". Etudier les rythmes précipités des médias, des écrans omniprésents, de l'information en temps réel, des cotations financières immédiates lui a révélé "la dictature du présent" – au profit de l'analyse critique, de la mémoire, du recul. Mais aussi ses effets dévastateurs directs : virus informatiques, paniques boursières, rumeurs faisant le tour du monde… à toute vitesse. "Nous vivons tous en ubiquité, continue Paul Virilio, réagissant à coups d'affects collectifs, selon des rythmes inconnus qui n'ont plus rien à voir avec les rythmes terrestres, diurnes ou saisonniers. Après l'ère révolutionnaire, après le chant du progrès, nous entrons dans l'ère révélationnaire. La révélation que le monde est fini, menacé d'épuisement, devenu trop petit pour nos sciences, nos techniques, nos machines – le deus ex machina. Trop petit pour nous les hommes pressés, compressés, de plus en plus nombreux. Une révélation qui blesse notre arrogance." Examiner sans illusion lyrique, rationnellement, les envers et les revers du progrès, telle est la mission que s'est assignée Paul Virilio, l'ami de Jean Baudrillard et d'Edgar Morin, l'empêcheur de chanter les prouesses techniques en rond.

Ce qui est en l'air

Dans les sous-sols de l'exposition "Terre natale. Ailleurs commence ici" de la Fondation Cartier pour l'art contemporain, Paul Virilio a installé ce qu'il appelle une "station météo" – en vérité une grande carte terrestre où défilent quantités d'informations sur les mouvements climatiques, tornades, submersions, sécheresses, mais aussi sur les énormes migrations de matières vivantes sur Terre : hommes, ressources, nourriture. Pourquoi ? " J'ai cherché à montrer la dimension cosmique de la tragédie en cours. L'homme a transformé jusqu'au manteau vivant terrestre, la géologie, la qualité et le niveau des océans, il agit au niveau planétaire. Après l'époque totalitaire, voici les temps globalitaires. L'homme n'appartient plus seulement au sol, à la géopolitique, il envahit l'espace avec ses avions supersoniques, ses bombardiers stratégiques, ses satellites qui surveillent la Terre à chaque seconde, la criblant d'ondes électromagnétiques, cela tout en polluant l'atmosphère – peut-être irrémédiablement." Ce faisant, la géopolitique du siècle dernier est devenue une "météopolitique". Impossible de réfléchir à la politique des Etats nations, des frontières, des libertés individuelles, sans tenir compte des nouvelles données météorologiques au sens large : du réchauffement climatique aux capacités d'espionnage instantané via le ciel, d'attaques surprises par des bombes téléguidées, d'information et de désinformation massive par les télécommunications, de brouillage informatique. Désormais, nous dépendons de l'espace, de ce " qui est en l'air " (mete ôros, en grec). Nous sommes entrés dans l'" aéropolitique ".

Sa seconde installation de la Fondation Cartier, Paul Virilio l'appelle le "stock exchange". Il s'agit encore d'une carte animée, représentant les mouvements de population autour du monde : migrations consécutives au réchauffement planétaire, aux famines, aux guerres, flux de réfugiés et de travailleurs clandestins, délocalisation des mains-d'œuvre, déplacements de travailleurs en Inde, en Chine, pérégrinations touristiques. "Selon l'ONG Christian Aid, environ 1 milliard de personnes vont être déplacées d'ici à 2050, explique-t-il. Les chiffres sont contestés me dites-vous, cependant beaucoup d'experts s'accordent sur le fait qu'au moins 200 millions d'individus devront quitter les zones subtropicales à cause des sécheresses. Il faut ajouter les dizaines et dizaines de millions repoussés par les grands projets hydrauliques et l'exploitation minière. Les populations fuyant les zones côtières, abondantes en grandes villes, submergées. Sans oublier tous ceux qui vont fuir les régions pauvres, surpeuplées, et les conflits engendrés par ces bouleversements. Il faut s'attendre à une explosion migratoire sans précédent. Tous nos concepts classiques sur nomades et sédentaires s'en trouvent disqualifiés." Dans un futur proche, selon Paul Virilio, quand les migrations deviendront de plus en plus massives, les mouvements individuels plus rapides, la plupart des hommes se transformeront les uns en "nomades partout chez eux" – avec les technologies portables, les téléphones, les caméras qui les suivront à la trace. Les autres deviendront des "sédentaires habitant nulle part" : ceux qui vivront dans les camps de réfugiés, les centres de rétention, les dortoirs de travailleurs, les bidonvilles. "Nous entrons dans un nouveau monde de circulation habitable qui se traduira par la croisière au long cours des exilés climatiques, des ouvriers —déplacés par l'externalisation des profits, des prolétaires flottant d'une région à l'autre et des individus équipés d' emportables . Il faut imaginer la fin de la sédentarité, le début d'une grande déportation. C'est une situation sans —précédent dans l'histoire. "

 


 
 
le 15-11-2008 15:56

TER : le Sénat prône des ouvertures expérimentales à la concurrence

TER : le Sénat prône des ouvertures expérimentales à la concurrence
[ 14/11/08 ]
Dans un rapport au Premier ministre, l'artisan de la régionalisation ferroviaire préconise un élargissement des compétences des régions en matière d'organisation de transport et une préparation à la concurrence.
L'ouverture à la concurrence des services régionaux de transport ferroviaire est inéluctable et il est urgent de s'y préparer. Dans le rapport qu'il a remis hier, Hubert Haenel fait son deuil du monopole de la SNCF sur l'exploitation des TER dont les régions assurent l'organisation et le financement depuis 2002. L'an prochain, le règlement européen Obligation de service public (OSP) ne leur laissera plus le choix : à échéance d'une période transitoire de dix ans, les collectivités devront choisir entre plusieurs opérateurs.
Pour le sénateur du Haut-Rhin, autant se jeter à l'eau rapidement. L'artisan de la première décentralisation du rail propose donc une « anticipation » sur certaines lignes dans le cadre d'une expérimentation auprès de régions volontaires. Objectif : éclaircir les futures modalités d'application du règlement communautaire. « Quel serait le sort réservé aux personnels, aux matériels roulants ou aux équipements affectés au transport régional et appartenant à la SNCF ? », s'interroge le parlementaire. A un an et demi des élections régionales, sa question risque cependant de demeurer en suspens dans la plupart des régions. Seule l'Alsace, la seule détenue par la droite dans l'Hexagone, serait candidate.
Trouver de nouvelles recettes
Par ailleurs, les régions ne se limiteraient plus au seul ferroviaire. L'artisan de la régionalisation engagée dès 1997 les place au centre d'une véritable organisation multimodale des transports, donc aussi routière, afin de passer d'une logique de trajet gare à gare à celle de déplacement porte à porte. Cette évolution passe par la dévolution aux régions des gares, futurs centres multiservices.
Le sénateur apporte aussi sa pierre aux travaux de  la commission Balladur en estimant que les réseaux de transport périurbains doivent devenir l'armature du développement des grandes agglomérations. Les régions auraient donc leur mot à dire sur les projets d'aménagement des collectivités locales afin de programmer les investissements en transport nécessaires.
Parallèlement, il faut éviter que le transport régional soit victime de son succès. Les 4 milliards d'euros annuels que les régions lui consacrent se sont traduits par une hausse de 27 % du trafic entre 2002 et 2007 et de 38 % des recettes, mais les trois quarts des coûts de transport restent à la charge de la collectivité. Il faut donc trouver de nouvelles recettes, par exemple en étendant le versement transport. Une meilleure coordination des tarifs entre modes de transport rendrait attractives les alternatives au train sur certains tronçons périurbains chargés.

DOMINIQUE MALÉCOT

 


 
 
le 13-11-2008 21:33

Les nouveaux contours de la métropole parisienne (sur le site "la vie des idées")

Je trouve ce texte, s'il est bien évidemment éclairant sur la métropole parisienne, d'une grande lucidité de façon plus générale sur les implications de la métropolisation, et d'un grand intérêt pour rompre avec le discours préformaté que nous continuons à utiliser. Arrêtons de regarder nos villes et nos territoires comme s'il s'agissait de Carcassonne au Moyen Age ou d'Athènes quelques centaines d'années avant l'ère chrétienne. Il y a eu rupture dans l'évolution urbaine. Qu'on se le dise ! Et puis autre élément d'analyse percutant: les solutions institutionnelles ne sont pas sufffisantes pour mieux faire fonctionner l'urbain métropolisé; la gouvernance économique joue un rôle déterminant. 

 

Dominique MUSSLIN 

 

Les nouveaux contours de la métropole parisienne

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par Frédéric Gilli [05-11-2008]

Domaine : Politique

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Mots-clés : démocratie | ville | Paris | géographie | gouvernance | métropole | France

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Après un premier article consacré aux spécificités du contexte francilien, Frédéric Gilli fait le point sur les mutations récentes de la métropole parisienne. Le véritable enjeu du Grand Paris n’est pas institutionnel, mais lié à notre représentation de l’espace parisien et à la mise en place d’une démocratie à l’échelle métropolitaine.

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Depuis la fin des années 1960, la région parisienne a connu une transformation radicale de son économie et de sa géographie qui s’est traduite par une fragmentation des frontières internes de la métropole, une dilution de ses frontières externes, le tout dans le cadre d’une désintermédiation croissante des modes de gouvernance. Ces évolutions réinterrogent les représentations que les acteurs ont du fonctionnement des espaces urbains et font bouger les cadres dans lesquels les équilibres locaux, régionaux et nationaux s’étaient historiquement construits.

Une région élargie et multipolaire :
la nouvelle géographie métropolitaine

La banlieue parisienne compte aujourd’hui plus de neuf millions d’habitants et plus de quatre millions d’emplois. Elle représente l’équivalent d’une métropole comme Chicago. Souligner ce fait invite à reconsidérer le rôle et l’importance de l’extra-muros dans la géographie francilienne. Cela ne doit pas conduire à opposer Paris et sa banlieue. Dans une métropole multipolaire et multifonctionnelle, la lecture radioconcentrique opposant centre et périphérie (respectivement première couronne et grande couronne) est doublement pré-métropolitaine : elle se méprend sur le statut, la localisation et le fonctionnement des lieux centraux et elle empêche par la même occasion d’analyser correctement la mutation des frontières externes de la métropole. Les représentations mentales contraignent les espaces et les actions.

Dans la région parisienne comme dans toutes les grandes métropoles, la périurbanisation n’a pas concerné que les résidences. Dans les dernières décennies, plusieurs centaines de milliers d’emplois ont quitté Paris et bien plus encore ont été créés dans la première couronne (Val-de-Marne, Seine-Saint-Denis, Hauts-de-Seine) ou la grande couronne (Essonne, Yvelines, Val d’Oise, Seine-et-Marne mais aussi vers l’Oise et les départements entourant l’Île-de-France) [1]. Ce redéploiement a nourri le développement de pôles en périphérie. Certains sont très grands et visibles de tous (villes nouvelles, Roissy, etc.). De nombreux autres pôles sont plus discrets. Le processus de multipolarisation à l’œuvre n’est pas uniquement la réplication du centre dans quelques lieux identifiables et circonscrits où les fonctions qui caractérisent le cœur de la métropole seraient concentrées. Une véritable mutation de l’organisation spatiale de la région a eu lieu. Elle transforme la notion de territoire dans la métropole, oblige à penser et gérer des interdépendances croissantes entre les territoires et rend nécessaire d’articuler les différentes échelles d’intervention.

Après deux décennies de forte croissance démographique, les espaces situés aux frontières des agglomérations se recomposent et deviennent aujourd’hui de plus en plus des territoires spécifiques aux ressorts et logiques propres qui ne dépendent plus uniquement de leur relation au centre urbain le plus proche [2]. Cette évolution conduit plus qu’avant à dissoudre l’idée de frontière urbaine dans des limites floues. À plus d’un titre, la région est ainsi déjà trop petite pour appréhender seule l’ensemble de ses problèmes urbains (qui débordent jusqu’à Creil et Beauvais dans l’Oise, affectent Chartres et Dreux dans l’Eure-et-Loir et se font sentir jusqu’à Sens dans l’Yonne). Elle l’est a fortiori lorsqu’il est question de sa dynamique économique, impensable sans intégrer le Havre, Orléans ou Reims dans la discussion. Cette dissolution des contours territoriaux est également perceptible au cœur de la métropole.

Ainsi que l’illustrent les différentes planches cartographiques proposées dans l’ouvrage que j’ai publié avec Paul Chemetov (voir la carte ci-dessous), il n’y a pas une zone dense mais des zones denses. Il ne s’agit pas de représenter la métropole et ses fragmentations, mais de montrer les conditions de la métropole : la métropole n’est pas dans les diverses zones denses mais dans l’articulation non visible de ces différentes zones denses. La question des contours est à la fois une chimère et une mauvaise façon d’aborder la métropole. Emplois, logements, lieux d’action culturelle, centres commerciaux, espaces récréationnels, centres de recherche ou nœuds de transport et zones logistiques, toutes ces activités coexistent, se cumulent, s’interpénètrent, mais il n’y a pas une unique zone dense qui les regrouperait toutes. De plus, leur localisation est en perpétuelle évolution. En chercher le contour n’a pas de sens et peut même s’avérer contre-productif si cela conduit à inscrire et figer la métropole. L’exemple du périphérique est là pour montrer l’impact et la rémanence des frontières mentales même quand elles n’ont plus de signification effective au vu des fonctionnements réellement observés à l’échelle métropolitaine.

En parallèle, les notions de cœur et de périphérie ont profondément évolué au sein de la métropole et ne sont plus radioconcentriques ni univoques. Roissy, Saclay, Cergy, Versailles, Eurodisney, Évry sont tous en dehors de la première couronne et sont les lieux de la croissance la plus forte de l’emploi. S’inscrire dans le contour d’un cœur unique et multifonctionnel consiste à persister dans une pensée pré-métropolitaine. D’ailleurs, le cœur ne peut que s’étendre et la constitution du syndicat d’étude en témoigne : de quelques communes entourant Paris à la quasi totalité des communes de la première couronne, désormais élargie aux grands pôles de grande couronne, et les candidatures continuent d’arriver. Il ne s’agit pas de juger cet élargissement progressif et englobant de la zone dense, juste de constater la limite de facto d’une réflexion qui se cantonnerait à un périmètre infra-métropolitain spécifique.

carte
Cliquer sur l’image pour l’agrandir.
Source : carte extraite de Chemetov et Gilli (2006) [3]

L’interterritorialité est ainsi cruciale pour appréhender de manière pragmatique les espaces métropolitains, depuis les franges jusqu’aux cœurs. Toute aussi importante est la capacité à penser chaque territoire à toutes les échelles de la métropole. Une mutation importante quand les politiques et les dispositifs d’action restent ancrés localement.

Enjeux pratiques et symboliques

C’est une évidence dans le cadre métropolitain : aucun territoire n’est aujourd’hui autosuffisant. L’un des avantages de la métropole est de permettre l’agglomération des activités afin de compenser les coûts nés de la congestion par une productivité accrue. Cela se traduit, dans un contexte d’étalement urbain, par l’émergence de pôles secondaires aux profils typés. Des spécialisations locales sont repérables autour de la plupart des grands pôles économiques de la région (Roissy, La Défense, Eurodisney, le plateau de Saclay ou l’autoroute A1 entre Garonor et Paris Nord 2, pour citer d’autres exemples). Cette polarisation « spécialisante » ouvre sur deux sortes d’enjeux.

D’une part, une telle polarisation économique risque de fragmenter le territoire métropolitain. L’exemple du marché du travail francilien est très parlant. Les déplacements domicile-travail font ressortir une métropole à deux vitesses, l’une faite de bassins locaux et de déplacements de proximité, l’autre caractérisée par des employés qui couvrent des distances de plus en plus grandes à l’échelle métropolitaine, en particulier de banlieue à banlieue. Considérer que la multipolarisation de la région permettrait d’ancrer les salariés à proximité de leurs logements et réduire ainsi la mobilité métropolitaine serait toutefois un contresens économique et social : l’une des principales raisons d’être des métropoles est en effet leur capacité à offrir un marché du travail relativement intégré et accessible [4].

D’autre part, portée à leur comble, les logiques de polarisation économiques infra-urbaines exposent chacun des territoires à une mono-spécialisation industrielle. Celle-ci concerne alors non seulement son développement économique mais aussi sa trame urbaine. Quand ces activités sont très pourvoyeuses de taxes, d’emplois induits, faiblement polluantes, cela ne suscite aucun problème pour les communes. Mais ces activités « stars » de la région sont totalement dépendantes de l’ensemble du système métropolitain et ne peuvent exister sans les autres activités urbaines. Or les aéroports, les zones logistiques, les sites industriels à risque, etc., rapportent moins de taxes ou plus de nuisances. S’ils cristallisent des enjeux également stratégiques pour l’économie de toute la région, les territoires sont plus rétifs à les accueillir. La métropole parisienne peut difficilement renoncer à des secteurs fortement pourvoyeurs d’emplois [5] et indispensables au fonctionnement du reste de la métropole. Mais cela suppose que des communes acceptent de laisser s’étendre sur leur sol des zones logistiques ou des activités polluantes avec toutes les servitudes que cela impose. C’est a fortiori le cas pour des infrastructures lourdes traversant des communes sans même les desservir. Qui doit décider, et selon quelles logiques, de la localisation de ces servitudes et gérer les interdépendances entre territoires non contigus à l’échelle métropolitaine ?

Échos directs du souci de mixité fonctionnelle des espaces urbains, les conflits d’échelle pour la destination ou l’usage des sols interrogent à la fois la capacité des espaces de proximité à porter des projets urbains dans un cadre métropolitain et les moyens dont ils disposent pour cela.

L’intégration opérationnelle et la redistribution fiscale méritent d’être abordées ensemble lorsque l’on réfléchit à un espace urbain. Il s’agit des deux voies possibles pour réduire en pratique les conséquences des inégalités nées de la polarisation des richesses. Dans le premier cas, les communes s’inscrivent dans la dynamique métropolitaine via l’intégration financière avec leurs voisines quand elles sont mieux loties, à une échelle permettant une redistribution directe via les budgets mis en commun (pour les intercommunalités les plus avancées). Toutes peuvent aussi participer à des opérations menées en commun avec d’autres communes de la métropole afin d’inscrire plus facilement leur action à cette échelle et sortir de leur isolement (les collaborations entre Paris et les communes voisines pour l’aménagement de ses portes en a récemment témoigné autour de la porte de la Chapelle). Dans le second cas, il s’agit surtout d’améliorer les canaux de redistribution (en nettoyant les différentes niches, en augmentant les ressources prélevées dans le cadre de la dotation de solidarité urbaine ou du fonds de solidarité régional d’Île-de-France).

Ces deux approches sont complémentaires plutôt qu’exclusives. Les mécanismes de péréquation régionale doivent être assainis à court terme. Mais il est fondamental d’inscrire ces transferts dans une perspective non de compensation et de réparation, mais de mutualisation et d’investissements choisis pour rééquilibrer les dynamiques de croissance de la métropole à moyen terme.

L’objectif de mutualisation rejoint l’objectif de mixité sociale et fonctionnelle. Il existe des moyens légaux pour favoriser la mixité « par le bas » (dont la loi SRU) et il est essentiel de les mettre pleinement en œuvre. Mais il est également vital, à l’échelle métropolitaine, d’agir par l’incitation en favorisant la mixité « par le haut » afin d’attirer de nouveaux habitants dans des quartiers auparavant peu cotés via des investissements structurels en jouant des processus d’embourgeoisement. L’échelle de référence des projets urbains dépasse le seul quartier ou la commune pour s’inscrire dans des trames locales significatives à l’échelle de la métropole. À l’ère de la ville-mobile [6], les projets urbains locaux doivent ainsi moins chercher leur sens (et leurs contours) en eux-mêmes que les trouver dans leur articulation aux autres espaces. Ces efforts supposent d’ailleurs, en parallèle, un travail sur les représentations que les acteurs se font de l’espace métropolitain dans lequel ils évoluent car les images mentales imprègnent fortement les décisions des acteurs et investisseurs publics et privés.

La réflexion sur le cœur d’agglomération et sur les frontières entre ce cœur et les zones périphériques ne peut se contenter d’être ancrée dans des problématiques pratiques car elle est également affaire de symboles et de représentations. Il s’agit de se doter d’une nouvelle représentation de ce qu’est la métropole parisienne. Au-delà de la Seine, de la Tour Eiffel et du périphérique, il est nécessaire d’inclure les nouveaux lieux centraux de la métropole dans la géographie quotidienne des habitants et des entreprises. Mais il ne suffit pas de planter quelques totems en banlieue ; il faut agir sur les couches profondes des représentations symboliques de la métropole parisienne. Il est aussi crucial de travailler à ancrer dans les représentations les continuités de l’espace urbain, et pas uniquement ses discontinuités et ses frontières. Le périphérique est aujourd’hui perçu comme une frontière mais, comme l’A86, c’est aussi un lieu de centralité extraordinaire à l’échelle de la métropole. Valoriser cela suppose toutefois que la banlieue ne soit plus vue comme une terra incognita uniforme, mais une espace historiquement structuré, avec ses références, ses hauts lieux et ses trames. Les plans du métro avec les rues censées couvrir la zone centrale se limitent ainsi à la ville de Paris et les lignes 5, 7, 8, 9 ou 13 se terminent dans des cartouches blancs, traduction imagée, forcément réductrice mais extrêmement parlante, du no man’s land qu’est la banlieue pour nombre de parisiens. Tenir compte de ces contraintes symboliques structurantes à long terme suppose de ne pas recréer de nouveaux murs, virtuels ou réels, que ce soit à l’intérieur de l’Île-de-France ou au-delà.

La réflexion en cours sur la métropole doit donc être une occasion pour intégrer les questions de représentation et réfléchir à des modalités de coopérations qui n’aient pas pour effet d’exclure a priori et éviter à cette occasion que s’impose une nouvelle lecture radioconcentrique, uniforme et figée dont on a déjà expérimenté les limites à l’heure de géographies floues. Ces exigences concernent autant l’aménagement pratique de l’espace métropolitain que les systèmes de gouvernance qui contribuent à le dessiner au quotidien.

Désintermédiation et nouveaux modes de gouvernance :
un « mille-feuille » indigeste ?

La complexité des métropoles rend nécessairement perplexe sur la possibilité de les gouverner. Cette ingouvernabilité n’est qu’apparente mais elle reflète à la fois la multiplicité des légitimités à l’œuvre et les incertitudes radicales qui pèsent sur les contextes urbains de demain, au croisement des mutations écologiques, technologiques ou humaines. Il ne s’agit donc plus de décliner une solution optimale pour un problème circonscrit, mais de répondre et s’adapter à des ensembles mouvants de problèmes et d’acteurs.

Dans les grandes métropoles comme ailleurs, les conflits et les négociations sont permanents entre les différents acteurs qui vivent ou travaillent dans la ville. Lorsque leur quantité explose, les relations deviennent toutefois tellement nombreuses et intriquées que les relations asymétriques principal-agent qui s’y nouent produisent un tout inextricable. Impossible alors de trouver un système de gouvernement rationnel capable de piloter en direct une grande métropole. Pour autant, cela ne veut pas dire que les métropoles sont plus ingouvernables que les autres espaces. Cette transformation des modes de relation entre niveaux de pouvoirs marqués par l’affaiblissement des structures de gouvernement hiérarchiques ou verticales est repérée dans toutes les villes. Il s’agit d’une mutation des logiques de gouvernance plus que d’une disparition des capacités à gouverner : les leviers et les acteurs stratégiques sont différents, plus nombreux et plus changeants mais ils existent toujours.

L’économie urbaine a de son côté montré la multiplicité des équilibres au sein des métropoles et la dynamique temporelle de leur constitution. Dans ce cadre, il n’y a plus de « meilleure solution » et le problème n’est donc plus de trouver la solution rationnelle aux questions posées, mais de déterminer une solution possible et de parvenir à coordonner les acteurs. En l’absence avérée d’optimum rationnel, voire d’incertitude absolue sur les types de scenarios à envisager, il est même contre-productif de s’en remettre à un individu ou une instance de décision [7] : l’accent doit être mis moins sur les structures de décision que sur les initiatives permettant de favoriser le débat, la remontée d’idée, le consensus.

À l’instar de la démocratie, le dialogue et les lieux de débat doivent donc être considérés comme des biens publics. De ce point de vue, le « mille-feuille » institutionnel francilien est, par certains aspects, en avance sur son temps [8]. Une lecture à la serpe des instituions locales visant à ne faire émerger qu’une tête n’améliorera donc pas mécaniquement la situation régionale.

À l’échelle métropolitaine, la question n’est ainsi pas véritablement celle de la capacité à incarner le pouvoir régional dans un décisionnaire identifié : le leadership est le produit de rapports de forces et de jeux d’acteurs évolutifs et il paraît important de ne pas céder au mythe de la voix unique et intemporelle : déjà, les interlocuteurs étrangers en visite dans une grande ville, que ce soit Paris, New York ou Tokyo, ne rencontrent pas une seule personne et consultent de nombreux interlocuteurs politiques (locaux comme nationaux), économiques (chambres consulaires comme grandes entreprises) et d’autres types de grands acteurs. Ils ont déjà à se repérer partout dans des systèmes d’acteurs complexes où le pouvoir n’est jamais là où il prétend être. Les mêmes questions se posent au niveau local lorsque l’on considère l’articulation entre les habitants, les associations, les conseils de quartier, les élus municipaux et les intercommunalités. Il n’y a jamais une seule légitimité à l’œuvre.

La démocratie à l’échelle métropolitaine

Il n’y a pas une bonne et unique façon de faire une ville. Il est en revanche important qu’il y ait un minimum de consensus sur la façon dont les investissements y sont réalisés. Dans le cas contraire, les discussions ne débouchent jamais dans la sphère opérationnelle. C’est a fortiori le cas si chaque niveau de décision dans la sphère publique détient un pouvoir de blocage sur l’engagement des projets, comme c’est le cas en Île-de-France. Le problème du « mille-feuille » institutionnel francilien ne tient pas au nombre de feuilles, mais aux multiples recouvrements de responsabilités entre les différents échelons. Cela oblige à la concertation, mais en l’absence de prérogatives clairement définies cela paralyse l’action publique.

Une définition claire des responsabilités ne lève toutefois pas tous les obstacles. Un des principaux problèmes reste de partager un discours et une ambition pour la métropole. Cela concerne bien sûr les acteurs publics qui ne peuvent construire ensemble un espace politique métropolitain s’ils ne partagent pas les mêmes références et ne parlent pas avec les mêmes mots. Un des objectifs revendiqués par les élus à l’origine de la conférence métropolitaine autour de Paris était d’ailleurs de faire émerger un cadre de discussion commun. Cela concerne aussi l’ensemble des acteurs individuels et collectifs de la métropole. Se pose donc la question des relais d’opinions, de la structuration des débats et des conflits, en bref de la démocratie à l’échelle métropolitaine. Une des réussites de Ken Livingstone, maire de Londres de 2000 à 2008, est d’avoir réussi à faire exister un débat sur la métropole à l’échelle de la métropole [9]. Le peu de moyens de l’autorité du Grand Londres lui interdisait d’être un acteur opérateur direct puissant en dépit de son mandat. En permettant l’émergence d’oppositions sur les questions métropolitaines et en les organisant pour faire de la métropole un enjeu de débat, il a pu cristalliser des énergies, mobiliser des investisseurs et mettre en mouvement bien plus de grues que par une implication financière directe.

Dépassant le cadre institutionnel, la question de la gouvernance métropolitaine doit donc intégrer la problématique des représentations des acteurs et du cadre de leurs actions, même si les schémas mentaux partagés sont lents et complexes à faire évoluer. Surtout, elle ne doit pas oublier que la métropole appelle aussi et surtout des réformes ponctuelles sur les secteurs techniques qui font la ville au jour le jour. Sur la question du logement, les objectifs de densification ou la réaffirmation de la loi SRU sont importants. Mais l’amélioration des conditions de vie dépendra aussi de la coordination des organismes de logement, de la gestion des listes d’attente, de la mobilisation de leviers financiers à l’échelle de la métropole et non organisme par organisme. Sur de nombreux sujets, les approches techniques sont au cœur des questions opérationnelles, même si elles sont peu visibles et peu médiatiques.

Les modifications en profondeur de la structure économique, territoriale et politique de la région parisienne renouvellent à la fois les questions pratiques qui se posent à la métropole et leur déclinaison institutionnelle. En particulier, la nécessité d’articuler à la fois les différentes échelles et les différents territoires de la métropole s’impose. Il ne faut donc pas chercher à refondre le contexte parisien en apportant une réponse englobante à ces mutations, mais approcher de manière multivariée et pragmatique la question de la gouvernance. C’est pour cela qu’il faut se poser non pas « la » question du Grand Paris, mais se pencher sur les points de blocage actuels dans les équilibres de la métropole. L’absence d’initiatives locales et d’ambitions métropolitaines pointent les deux enjeux d’un Paris métropolitain sur lesquels il reste à revenir.

Lire aussi :
Paris : ville, capitale et métropole internationale
par Frédéric Gilli [29-10-2008]
Si Paris s’endort, son sommeil est agité ! L’encre du Schéma régional d’aménagement n’a pas séché qu’agendas et discussions se multiplient au nouveau Secrétariat d’État, dans les communes désormais réunies en Syndicat ou dans les grandes entreprises. Frédéric Gilli propose un retour sur ces questions. Le risque est qu’à se ruer sur les débats institutionnels, l’on perde le sens des enjeux pratiques qu’ils doivent servir. Cet article, qui porte sur les spécificités du débat francilien, est le premier d’une série de trois que La Vie des Idées publiera dans les semaines à venir.
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Portfolio

par Frédéric Gilli [05-11-2008]

Notes

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[1] Frédéric Gilli, « La région parisienne entre 1975 et 1999 : une mutation géographique et économique », Économie et Statistiques, 387, 2006, p. 3-32.

[2] Martin Vanier, « La relation ville/campagne excédée par la périurbanisation », Cahiers français, n° 328, 2005, p.13-17.

[3] Paul Chemetov, Frédéric Gilli, Une région de projets : l’avenir de Paris, Paris, La Documentation française, 2006.

[4] Pierre Veltz, Mondialisation, villes et territoires : une économie d’archipel, Paris, PUF, 1996.

[5] Par exemple, être un des lieux centraux du commerce et de la logistique mondiale permet aujourd’hui l’existence de plus de 430 000 emplois directs en 2004 dans la région, sans compter les milliers d’emplois induits par l’accessibilité accrue de la métropole.

[6] Philippe Estèbe, Gouverner la ville mobile. Intercommunalité et démocratie locale, Paris, PUF, 2008.

[7] Daniel Kahneman, Jonathan Renshon , « Why Hawks Win », Foreign Policy, janvier-février 2007.

[8] Wolfgang Knapp, Peter Schmitt, « Re-structuring competitive metropolitan regions : on territory, institutions and governance. RheinRuhr compared with London, Paris and the Randstad Holland », ERSA conference papers, 2002, 02p437.

[9] Même si l’on peut regarder avec circonspection les conditions réelles de ce débat et le fait qu’il soit en définitive resté largement coupé de la société locale comme le remarquent Peter Newman et Andy Thornley (« Londres, le maire et le partenariat dans une ville globale », in Bernard Jouve et Philippe Booth, Démocraties métropolitaines, p. 93-110).

 


 
 
le 09-11-2008 17:28

MARKETING ECOLO ? (in ACTU ENVIRONNEMENT)

Face aux crises de tous ordres – économique, social et écologique – qui dénotent la fin d’une époque, le développement durable peut-il apporter une réponse cohérente et systémique ? A l’heure où les ressources naturelles se raréfient, le développement durable n’est-il pas un concept trompeur ? Ne faudrait-il pas plutôt parler de décroissance ? Le modèle de développement des pays industrialisés n’est pas généralisable, car il n’y aura pas assez de matières premières pour tout le monde. Ainsi, selon Yves Cochet, député des Verts de la 11ème circonscription de Paris, invité à ouvrir le débat organisé le 5 novembre à Science-Po Paris à l'initiative de la Confédération nationale des Junior-Entreprises, le problème n’est pas technique, il s’agit de mettre en oeuvre un projet de civilisation équitable, puisque les ressources de la planète sont limitées. La décroissance, pour des raisons matérielles, est inéluctable, car les limites de notre monde ne sont pas extensibles. La seule solution est de réduire nos consommations d’énergies fossiles pour éviter de se retrouver au pied du mur, selon le député des Verts. Du reste, nous y sommes déjà, mais nous ne voulons pas l’admettre, tant nous sommes encore dans le déni, entretenu par une rhétorique gouvernementale, qui, à l’instar de Christine Lagarde, ministre des finances, parle de « croissance négative » plutôt que de récession, alors qu’il faudrait évoquer une « décroissance positive », un concept qui serait davantage en adéquation avec les évolutions actuelles.
Sans aller jusqu’à accréditer l’hypothèse d’une inéluctable décroissance, Michèle Pappalardo, déléguée interministérielle au développement durable, en appelle à une utilisation plus mesurée des ressources de notre planète : on peut aujourd’hui vivre selon un mode de vie comparable au nôtre avec 40 à 50% d’énergie en moins. Au lieu de cela, on gaspille, alors qu’il faut découpler notre croissance d’avec nos consommations de matières premières. D’autant qu’on est aidés par l’augmentation des prix des énergies fossiles. La contrainte prix va nous inciter à lancer des politiques d’économies d’énergie et de lutte contre le gaspillage.

Inefficacité énergétique

Mais ces politiques tardent à se mettre en place, pour des raisons structurelles. Selon Yves Cochet, le lancement du programme électronucléaire français, dans les années soixante-dix, a entraîné la multiplication par quatre de la consommation d’électricité en France : une aberration thermodynamique. L’entreprise EDF, représentée par Claude Jeandron, se dit pourtant intrinsèquement concernée par le développement durable : le développement durable renvoie à une dimension sociale et sociétale : maintenir la fourniture d’énergie pour les familles modestes, tout en utilisant des moyens de production propres. Propres, le nucléaire et les énergies renouvelables le sont, dans la mesure où ce sont des énergies non carbonées, selon le directeur adjoint au développement durable du groupe EDF. Et un logement chauffé à l’électricité ne consomme pas plus qu’un logement chauffé aux énergies fossiles, répond-il, en écho à la remarque d’Yves Cochet. Ainsi l’inefficacité énergétique est-elle générale, que l’énergie soit d’origine fossile, ou nucléaire, comme le souligne Michèle Pappalardo : on est vraiment des gaspilleurs, alors que le premier gisement d’énergie, ce sont bien les économies d’énergie. Mais alors, pourquoi une telle gabegie ? Comment une entreprise qui vend de l’électricité peut-elle être intéressée à vendre moins d’électricité ?, s’interroge Claude Jeandron. Par une redéfinition de son métier : à l’avenir on ne fournira pas seulement un produit électricité, on fournira aussi un produit de service et un diagnostic énergétique : on produira de l’énergie moins carbonée et on vendra de l’éco-efficacité énergétique.

Découplage ou bénéfices

Dans l’immédiat, il s’agit d’isoler les logements et de changer la manière dont les activités sont implantées sur le territoire, pour réduire la facture transports. Cet objectif, revendiqué par le Grenelle de l’environnement, est, de fait, selon Michèle Pappalardo, plus atteignable que faire 20% d’énergies renouvelables. Yves Cochet renchérit : c’est le point sur lequel nous sommes le plus d’accord. La plupart du temps, les grands offreurs pensent qu’il faut simplement changer d’énergie. Or il faudrait investir d’abord dans l’isolation des maisons et les économies d’énergie. Pour autant, je ne crois pas que les producteurs d’énergie soient décidés à moins produire !. Et de demander à Claude Jeandron si EDF serait prête à découpler la vente d’électricité de ses revenus, comme c’est le cas des compagnies électriques en Californie. Tous les six ou douze mois, les autorités californiennes fixent un chiffre d’affaires qui couvre les coûts de production et assure un bénéfice aux entreprises. Si elles vendent plus, elles rétrocèdent le bénéfice aux consommateurs. Ce système permet à la Californie d’assurer une fourniture suffisante et sûre à ses résidents, tout en maintenant son niveau de consommation d’électricité par habitant 40% au-dessous de la moyenne nationale des Etats-Unis. La plus grande entreprise de Californie, Southern California Edison, a ainsi économisé quatre milliards de kilowattheures de 2002 à 2007, soit l’équivalent de la consommation actuelle d’un demi million de ménages. Pour l’heure, la stratégie d’EDF repose sur un mix énergétique à dominante nucléaire : sur ses 36 milliards d’euros d’investissements, elle en consacre 3,3 milliards au projet de réacteur nucléaire EPR, et autant à l’éolien. Selon Claude Jeandron, cette double stratégie n’a pas de raison d’évoluer avec la crise économique. L’objectif de rachat de British Energy par EDF confirme la tendance, qui accrédite plutôt le renforcement dans le domaine du nucléaire plutôt que dans celui des renouvelables…

Agnès SINAI
 


 
 
le 06-11-2008 12:50

Le projet de loi Grenelle 2 transmis aux acteurs du Grenelle (in GAZETTE DES COMMUNES Web)

Environnement - 05/11/2008
Le projet de loi Grenelle 2 transmis aux acteurs du Grenelle

Le texte de l'avant-projet de loi dit "Grenelle 2" a été transmis aux acteurs du Grenelle de l'environnement, avant sa présentation en Conseil d'Etat et en Conseil des ministres, a annoncé le 5 novembre France nature environnement (FNE, 3.000 associations). Ce projet de loi doit mettre en musique les dispositions de la loi d'orientation "Grenelle 1" adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale le 21 octobre.

Cependant, cette version datée de fin septembre, "ne tient pas encore compte des avancées obtenues à l'Assemblée nationale en octobre sur le projet de loi Grenelle 1 concernant une vingtaine de points", souligne FNE dans un communiqué.

"Les parlementaires sont allés plus loin sur certains points dans le Grenelle 1. Donc, il va falloir faire évoluer le Grenelle 2 aussi", explique Arnaud Gossement, porte-parole de FNE.
Par exemple, les députés ont réintroduit dans le Grenelle 1 le principe d'une tarification incitative des déchets. "Or dans le Grenelle 2, il n'y a rien là-dessus", fait-il observer.

Moins de contraintes pour les PME
Par ailleurs, quelques modifications ont été opérées dans la nouvelle version du projet loi Grenelle 2 par rapport à la version précédente qui datait de la mi-septembre. Ainsi, le nouveau texte relève à 500 salariés contre 250 précédemment le seuil à partir duquel les entreprises privées seront tenues d'établir un "bilan carbone" (de leurs émissions de gaz à effet de serre), une disposition qui libère de cette contrainte une bonne partie des PME.
Le gouvernement a par ailleurs renoncé à ouvrir la possibilité, pour les villes françaises, d'instaurer des péages urbains dans cette nouvelle mouture, un article qui figurait dans des projets intermédiaires mais qui a été retiré.

Le fait que ce texte ait été transmis "pour avis" au comité de suivi du Grenelle avant même sa présentation au Conseil d'Etat et au Conseil des ministres "est un événement positif", estime la fédération. Ce texte constitue "une bonne base de discussion que FNE soutiendra avec la volonté de l'améliorer", indique-t-elle.
Il sera débattu le 6 novembre lors d'une réunion du comité de suivi du Grenelle au Ministère du Développement durable, indique FNE. Le comité de suivi rassemble les parties prenantes à ce processus inédit mené en octobre 2007 : patronat, collectivités, Etat, associations et syndicats.

Loi d'orientation, le "Grenelle 1" rappelle des objectifs à long terme, tels que la division par 4 des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050 (par rapport à 1990), et définit des objectifs à moyen terme sur les secteurs-clés que sont le logement, les transports ou encore l'énergie.

 


 
 
 

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