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Titre du blog : L'URBANISTE QUI TENTE L'URBANISME DURABLE
Auteur : urbaniste
Date de création : 23-08-2008
 
posté le 24-08-2008 à 08:51:06

HALTE A L'EPARPILLEMENT URBAIN


On dit que le Languedoc Roussillon est la région de France qui attire le plus de nouveaux habitants venus du reste de la France. Analyse biaisée, car :

-    Le Languedoc a été fort longtemps une région agricole organisée autour de villes moyennes, peuplée de façon peu dense et cette embellie est somme toute récente.

-    La Provence a connu un phénomène équivalent, qui s’est largement tassé, du fait du manque d’emplois et de foncier.

-    C’est la création d’emplois qui tire cette embellie, créations d’emplois elle-même en grande partie liée aux besoins de services crées par le développement démographique. Lorsque le Languedoc aura perdu son statut de région semi-rurale, il est probable que ce phénomène se tassera. D’autant que le Languedoc ne propose pas d’emplois à haute qualification, comme les régions industrielles et devient une région de moins en moins attirante (chômage, risques climatiques, canicule, etc…)

 

On affirme aussi que pour permettre à ces « immigrants de l’intérieur, blancs et diplômés » de  se loger, il faut construire, construire beaucoup et leur assurer à tous la possibilité de disposer de la maison individuelle en garrigue dont les arrivants rêvent. Ce propos est certainement plaisant aux oreilles des  lotisseurs qui battent campagne pour convaincre des agriculteurs de leur céder parcelles de vignes et de blé dur. Mais il ne permet pas de justifier l’énorme basculement de terres agricoles en ZAC et en terrain à bâtir. Les chiffres sont accablants :

-    80 % des terrains à bâtir se trouvent en périphérie de ville ou dans les villages, mais ils ne procurent que 20% des nouveaux logements. L’énorme majorité des nouveaux logements continuent à se trouver dans le cœur des villes, et les communes de périphérie. Même si une ponction raisonnable peut être envisagée sur les terres viticoles promises à la jachère, elle doit l’être dans des conditions de « sobriété » foncière.

 -   Dans le Gard ou le Vaucluse, on construit en moyenne un peu moins de 10 logements à l’hectare en moyenne, soit un terrain de 1 100m² en moyenne par maison. Et les opérations nouvelles n’ont cessé de se dédensifier au fil des ans si on se réfère aux dernières statistiques des opérations commencées.

-   On promet 20 logements à l’hectare dans les SCoT, tout confondu, ville et campagne. Aujourd’hui, les opérations à haute qualité environnementale dans l’Hérault, les Bouches du Rhône ou le Vaucluse proposent au moins 40, voire plutôt 100 logements à l’hectare.

-   La dévitalisation des centres-villes, stimulée par la délocalisation systématique des services publics est « anti-grenelienne ».

 

Que faut-il faire ?

 

Devenir sobre, en revenir à l’intérêt général et arrêter ce désastre environnemental. Nous restons sur le thème du gaspillage foncier, de l’éparpillement urbain. L’incidence sur les déplacements est considérable.

 

1/ Il faut geler ce qui favorise l’éparpillement urbain, à savoir les extensions urbaines lors des révisions des plans locaux d’urbanisme. Car c’est lors des révisions que les conseils municipaux autorisent déclenchent l’intérêt des lotisseurs en autorisant la construction des terres agricoles et naturelles.

 

2/ La taille de référence pour un terrain de maison individuelle doit devenir au maximum 500 m². Il faut arrêter d’écouter les lotisseurs, qui sont marqués par 20 ou 30 ans de pratique et n’ont dans leur press-book que des terrains de 1 000, 2 000, voire 5 000 m². Avec ce type de prestations, on continue de contaminer les terrains agricoles, les petits villages et la garrigue. Ces tailles de parcelles, présentées comme le summum de l’environnement de qualité, doivent être déposées au musée des objets insolites.

 

3/ Il faut que les plans locaux d’urbanisme se dotent d’un coefficient d’occupation des sols minimum, et non plus maximum, pour que la densité devienne effective.

 

4/ Les maisons de ville, que nombre de villes françaises ont déjà adopté à la place de maisons individuelles dévoreuses d’espace, permettent de passer d’une densité de 10 à une densité de 35 logements à l’hectare sans difficulté. Elles doivent être promues.

 

LE BEAUSSET (83): des maisons de ville méditerranéennes

 

5/ La densité des opérations nouvelles des SCoT doit être revue à la hausse. Mais aussi pour aller vers une densité plus conforme à l’esprit de Grenelle, soit au moins 35 logements en périphérie, et 80 dans les cœurs urbains.

 

6/ Promouvoir de façon systématique l’habitat à haute qualité environnementale et à haute densité sur le territoire. Le coût économisé en foncier pourra alors être utilisé pour mieux prendre en compte l’investissement dans les économies d’énergies. Nous pourrons alors commencer à proposer des immeubles et des lotissements dits à « énergie positive ». Les nouveaux quartiers doivent devenir des éco-quartiers.

 

7/ Il faut un véritable projet urbain de reconquête du centre-ville. Qui sache allier réponses en matière de densité, de fiscalité sur le logement, de politique foncière publique, d’éradication des logements indignes et vacants, de retour des activités en ville.

 

Commentaires

Eric Marro le 01-09-2008 à 12:40:20
Cher Dominique


D’accord à 100% sur la recherche de la densité comme moyen nécessaire à la réduction des émissions de CO2 et du « grignotage » (ne devrait-on pas dire « gloutonnage ») des terres ressources naturelles, mais je voudrais faire, non pas une réserve, mais une remarque : le discours sur la densité et sa justification écologique ne doit pas masquer un autre chantier de l’urbanisme du XXIème siècle à savoir celui de la mixité, de la lutte contre les exclusions et de la sociabilité de l’urbanisme. Discours déjà ancien mais ô combien moins consensuel et plus difficile encore à traduire en acte.


Ce texte très « grenellien » a le mérite de dire et redire très pédagogiquement, ce qui finalement aujourd’hui revient assez souvent dans les travaux des SCOT ou des PLU, avec, reconnaissons-le, pas le bonheur que l’on souhaiterait et il convient, comme tu le fais de remettre l’ouvrage sur le métier.


Toutefois, lorsque l’on parle de densité à l’hectare, on parle de logements (notamment dans les SCOT) mais on ne parle pas des espaces servants, des équipements structurants et des équipements liés au fonctionnement du quartier.


Lorsque l’on énonce une densité de 35 logements à l’hectare par exemple, un calcul simpliste pour traduire les orientations du SCOT ou du PADD des PLU en règlement peut nous conduire à une erreur de COS redoutable si l’on n’intègre pas la notion de mixité fonctionnelle.


En effet 35 logements à l’hectare par exemple, en collectif ou maisons de ville donne généralement un COS de 0,25 à 0,30. L’objectif ne me paraît pas atteint si on en reste là. Il faut à ce niveau parler des autres composants urbains. Les élus (mais aussi beaucoup de techniciens) les oublient souvent, et lorsque l’on propose un COS de 0,6 0,7 ou à 0,8 on a toute une démonstration à faire pour expliquer que l’on reste compatible avec le SCOT et que l’on ne « bétonne pas comme un promoteur » ! Il me paraît donc souhaitable que cette notion figure clairement dans les orientations des SCOT ou des PADD des PLU en précisant bien que lorsqu’on parle de x logements à l’hectare, c’est sans compter ces autres composants que sont les commerces, les services les bureaux, les équipements publics, d’éventuelles entreprises….


Si je fais ce commentaire c’est pour attirer l’attention sur le fait qu’il ne faut pas se focaliser sur un point du problème et engraisser l’arbre qui cache la forêt. Et en cela le Grenelle est assez incomplet. Le Développement Durable passe aussi par la prise en compte de la question sociale par les rapports humains qui favorisent la solidarité et la sortie de l’isolement et de l’anonymat : d’où la mixité fonctionnelle et sociale à rechercher.


L’idée du COS minimum est très intéressante mais on peut aussi pousser les idées suivantes :


- Rebaptiser les « zones des PLU » par « quartier » avec si possible le nom toponymique (Je profite ici pour souligner combien ce mot de quartier est peu présent des discours même des urbanistes, atteints que nous sommes de «zonite » aiguë. )


- Instituer des COS minimum et maximum pour chaque composant urbain.


Par exemple :

Composants Urbains minimum maximum

Logements libres 0,25 0,50

Logement social 0,10 0,25

Bureaux et services 0,05 0,20

Commerces 0,00 0,20

Espaces publics 0,00 0,20

COS global 0,40 1,35




Un tel système permet à la collectivité, qui doit rester le seul garant d’un projet urbain cohérent, pensé, composé et structuré en fonction d’une projection urbaine globale, d’imposer plus facilement un contenu urbain aux opérateurs sans avoir à souffrir de l’excuse de marché immobilier et ou prix de sortie. En effet, en imposant la réalisation de x m² de bureau, la SHON correspondante ne vient pas en déduction de la SHON que le pétitionnaire aurait affectée au logement, mais s’ajoute à celle-ci.


Cela impliquera de nouvelles pratiques :


De nouvelles règles de négociation foncière

De nouvelles pratiques de management de projet chez les acteurs privés et publics,

Réforme du corps des instructeurs qui devra compter de véritables urbanistes en capacité de gérer des projets plus que des règles.

Une refonte complète des PLU et des SCOT reboostés dans une dimension d’outil de développements sociaux et urbain.

Une refonte du système des CU qui devraient devenir obligatoires et être de véritables outils d’information préalable ouvrant la phase de définition du programme urbain de l’opération.


Eric MARRO, Urbaniste Qualifié OPQU, Membre de la SFU.