VEF Blog

Titre du blog : L'URBANISTE QUI TENTE L'URBANISME DURABLE
Auteur : urbaniste
Date de création : 23-08-2008
 
posté le 10-10-2008 à 13:47:25

PLU DE TOUS LES PAYS UNISSEZ VOUS !

 

 

intercom_1


 

 

 

 

 



 


Dominique Musslin est vice-président de la Société française des urbanistes (SFU). Pour lui, une gestion efficace des questions d’urbanisme suppose à la fois de regrouper la globalité de la compétence urbanisme au niveau communautaire et de reconnaître le rôle primordial des élus.

 

Le système actuel repose sur 36 000 communes, toujours les mêmes depuis leur création, peu après la Révolution française. Une rupture est intervenue à travers la loi Chevènement de 1999 qui donne la possibilité de créer des systèmes plus larges : les communautés.  

 

C’est un acquis incontestable, mais ce qui pose problème aujourd’hui, c’est l’effet millefeuilles. Unité de base de la communauté, la commune élabore son plan local d’urbanisme (PLU), gère les politiques foncières et les droits de préemption. Le maire continue à signer les permis de construire. La communauté, pour sa part - de communes ou d’agglomération - fabrique de nouveaux “machins”: des programmes locaux de l’habitat (PLH), des plans de déplacements urbains (PDU), bientôt probablement des plans climat, des schémas d’urbanisme commerciaux, etc… Troisième strate, on établit des SCoT (schéma de cohérence territoriale), à l’échelle - plus large - de l’aire urbaine. L’imbroglio commence là, avec des SCoT qui rassemblent des intercommunalités et qui donnent des orientations pour des PLU gérés par… les communes. Dans la même veine, les SRADT (schéma régional d’aménagement et de développement du territoire) sont censés être coordonnés avec les SCoT. Nouvelles couches des mille-feuilles: les syndicats mixtes qui interviennent en matière de feux de forêts, d’hydrauliques, d’équipements… Pour ce qui est des transports, par exemple, les PDU prennent en considération les voitures et les bus, mais ils n’intègrent pas les transports ferroviaires régionaux, les lignes de cars départementaux ou le stationnement urbain. Dans le cas des établissements fonciers, autre exemple, les collectivités locales qui ont les compétences en matière d’urbanisme ne peuvent être que demandeuses, et non pas donneurs d’ordre. On peut encore pointer des dizaines de couches de politique d’urbanisme, car tout ceci contribue à faire de l’urbanisme.

 

Aujourd’hui, quand vous faites de l’urbanisme au niveau local, vous passez 80 % de votre temps à coordonner les informations émanant de la dizaine d’organismes qui gèrent les politiques d’urbanisme. Il faut simplifier tout ceci en prenant comme “brique de base” de la construction de l’urbanisme la communauté (de communes ou d’agglomération). Dotée d’une logique territoriale forte, la communauté doit être considérée comme l’outil majeur de la décentralisation. Au-delà de la question fiscale, toutes les compétences en matière d’espace et d’aménagement doivent lui être confiées. Il faut par ailleurs un “document-mère”, le “plan communautaire d’urbanisme”, les autres plans et schémas en devenant des volets. Tous les droits de préemption devront passer sous la responsabilité de l’intercommunalité, ainsi dotée de véritables moyens d’actions, de leviers puissants.

 

Tous ces propos seraient tombés à l’eau il y a quelques mois, mais aujourd’hui je pense que la donne a changé. Le Grenelle de l’environnement a modifié notre paysage … urbain. Le Grenelle a fait de l’urbanisme un vecteur majeur du changement climatique. De ce fait, l’urbanisme n’est plus seulement une démarche technique gérée par des techniciens pour réaliser des projets techniques. En  faisant de l’urbanisme un enjeu des débats publics des années à venir, le Grenelle a remis l’urbanisme aux mains des élus, On ne va plus parler de déchets, de voirie, de transports, de ZAC. On va commencer à parler de ville durable, et comme le thème est transversal, multi-cartes, ce sera l’affaire des élus et de leurs interlocuteurs – incontournables et remuants – la « société civile ». Et ce thème, celui de la ville durable, il n’est plus seulement communal, il est à la fois communal et communautaire. Parce que la ville durable  vécu, c’est la commune et l’agglomération.

 

A partir de là, voici ma « thèse » : l’émiettement des compétences dans l’urbanisme a donné le pouvoir aux techniciens, la gestion communautaire de l’urbanisme le rendrait aux élus qui ont, pour la plupart, heureusement, pris conscience de l’ampleur des enjeux : la consommation de l’espace et la mobilité.

 

Sur le premier point, il faut arrêter les vœux pieux et se fixer des objectifs quantifiés. Tous les objectifs que l’on se fixe adoptent un rythme d’évolution lent, alors que nous n’avons plus de temps. Aujourd’hui, un changement de registre et de culture s’impose. Les maires ne maîtrisent la gestion locale de l’urbanisme qu’en apparence seulement. Ils sont sous l’emprise totale du technique. L’initiative politique est asphyxiée. Ce qui suppose, au-delà du regroupement au sein d’un pôle urbanisme communautaire, un autre chantier : celui de la valorisation du travail d’équipe des élus communaux-communautaires. Car s’il est bien un domaine qui ne relève pas, mais pas du tout, de l’action personnelle de tel ou tel élu, c’est bien ce domaine qu’est l’urbanisme, pris au sens global du terme. Quand on essaie d’être un élu qui fabrique de l’urbanisme, on ne cesse d’échanger, de se réunir, de « prendre le pouls », et de participer à une décision collective. Ce qui va bien au-delà de la participation aux réunions de commissions. Il faut à tout prix valoriser au sein de la communauté cette façon d’être et d’agir qui fait du métier d’élu communal un des plus beaux métiers du monde. Ce qui est un véritable défi pour les machines communautaires.

 

Le développement durable peut être l’occasion d’une remise à plat. Bien loin du catastrophisme, il faut considérer qu’il est une chance pour l’urbanisme. Et il en sera le garant dès lors qu’il s’appuiera sur le travail d’équipe des élus communaux et communautaires.