« Il est temps que l'on revienne à la ville dense, à la ville des courtes distances », déclarait Hubert Falco, Secrétaire d'Etat à l'aménagement du territoire en ouverture de la 29e rencontre nationale des agences d'urbanisme (FNAU) qui avait lieu au Havre du 22 au 24 octobre. Une injonction quelque peu paradoxale au regard de la problématique retenue pour ces journées d'échanges : passer de la ville aux grands territoires (« l'appel du large »). En effet, le mot d'ordre était bel et bien d'appréhender l'aire urbaine, le bassin de vie, la métropole, l'espace transfrontalier, mais aussi l'espace économique de la logistique et des ports. De ce point de vue, le choix du Havre était de circonstance. Qu'il s'agisse des politiques métropolitaines de déplacements ou du transport de marchandises, la dimension de la mobilité a ainsi été au cœur des débats.
Pour autant, rares sont les intervenants qui ont abordé avec précision les
questions institutionnelles (seul Antoine Rufenacht, maire du Havre et
président de l'agglomération havraise s'est aventuré sur ce terrain). La
question de la réforme de notre organisation territoriale, pourtant à l'ordre
du jour avec l'installation toute récente du comité Balladur, a été
scrupuleusement éludée par la plupart des responsables politiques qui se sont
succédés à la tribune, à commencer par le Secrétaire d'Etat Falco. Celui-ci,
qui préside également la communauté d'agglomération de Toulon Provence
Méditerranée, s'est contenté d'annoncer le lancement d'une démarche « SCOT
exemplaires », qui consistera à dresser l'état de l'art des bonnes pratiques en
la matière. En
revanche, pas d'annonce du Ministre sur les orientations précises que
souhaitait prendre son Ministère, le MEEDDAT, en matière de réforme des
instruments de planification territoriale (SCOT, PDU, PLH, PLU, Schéma de
Développement Commercial, Plan Climat Energie Territorial). La réforme de
l'architecture de la planification sera pourtant au menu de la Loi Grenelle de
l'Environnement n°2. Curieux silence alors qu'Alain Marleix, Secrétaire d'Etat
chargé des collectivités territoriales, a confirmé tout récemment à l'occasion
de la convention de
l'AdCF que le transfert de la compétence urbanisme (le PLU)
à l'échelle intercommunale serait bien mis à l'agenda par le Gouvernement. Et
le PLU intercommunal ou communautaire n'est-il pas justement un outil
stratégique pour « changer d'échelle » et concevoir des politiques publiques
d'aménagement plus consistantes ?
L'intercommunalité, justement, n'a sans doute pas eu toute la place qu'elle
méritait dans ces débats. Comme si entre la commune et le bassin de vie, entre
la paroisse et la métropole, cette nouvelle maille de l'action publique
territoriale n'avait pas émergé. Car, aussi louables soient-ils, les travaux et
réflexions des agences d'urbanisme ne peuvent trouver leur traduction
opérationnelle sans un relais des élus communautaires, compétents dans les
domaines du développement économique local, de l'aménagement de l'espace, des
transports urbains et de l'équilibre social de l'habitat. Et si les agences
d'urbanisme gagneraient à jouer le rôle de « mini-DATAR » à l'échelle régionale
(comme l'appelle de ses vœux le Président de la FNAU, André Rossinot) gare
à ce que leurs missions de prospective ne s'apparentent pas à des « machineries
» technocratiques. Si elles veulent exister, les agences d'urbanisme n'auront
pas d'autre choix que de s'appuyer sur les communautés d'agglomération. Ces
dernières sont en effet amenées à gagner en cohérence en matière de périmètre
mais aussi en termes de légitimité avec l'instauration par la future loi
Marleix sur la démocratie locale du suffrage universel direct pour la
désignation des élus communautaires (en 2014).
C'est avec le géographe Martin Vanier que le débat sur la gouvernance territoriale a été remis sur la table. Ce dernier a posé la question du « dépassement de l'opposition entre gouvernements des territoires et gouvernements des usages », entre « cloisonnement et circulation ». Auteur d'un récent ouvrage sur Le Pouvoir des territoires ; essai sur l'interterritorialité (éditions Economica/Anthropos), Martin Vanier suggère d'envisager la refondation de l'action publique territoriale autour de « mandats politiques à deux niveaux ». Selon lui, la gouvernance des grands territoires est complexe car les deux logiques des « usages » et de la « résidence » sont antagonistes. Citons l'exemple du projet de réaménagement des Halles à Paris dont la concertation a été phagocytée par une petite centaine de résidents alors qu'il concerne quotidiennement plus de 800 000 usagers de la métropole francilienne. Rentrant en tension dans les dynamiques du développement territorial, comme l'ont très bien montré Laurent Davezies (La République et ses territoires) et Philippe Estèbe (Gouverner la ville mobile) dans leurs travaux respectifs, ces deux logiques méritent donc d'être articulées. Et si le mandat politique à concevoir n'était pas précisément celui de la responsabilité de l'articulation des échelles ? « Communal/intercommunal ou intercommunal/départemental, c'est ici que la question fédérale fait son grand retour », conclut Martin Vanier. La question fédérale, une voie à explorer pour le Grand Paris et la gouvernance des métropoles ?