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Titre du blog : L'URBANISTE QUI TENTE L'URBANISME DURABLE
Auteur : urbaniste
Date de création : 23-08-2008
 
posté le 30-10-2008 à 16:47:53

Comment remettre le tracé des Métropoles sur la bonne voie


GROUPE  INTERDISCIPLINAIRE  DE  RÉFLEXION

SUR  LES  TRAVERSÉES  SUD-ALPINES  ET  L' AMÉNAGEMENT  DU  TERRITOIRE  MARALPIN

 

Association Loi de 1901 enregistrée au J.O. du 13 mars 1996

Agréée pour la protection de l'environnement pour la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur (Arrêté préfectoral PACA n° 2004-277 du 9 septembre 2004)

Membre de la Mission Opérationnelle Transfrontalière (DIACT) et de la COFHUAT

 

SECRÉTARIAT : Jacques Molinari  49 avenue Cernuschi - F - 06500  MENTON

Tél/Fax : 33 (0)4 93 35 35 17 - Courriel : gir.maralpin@wanadoo.fr ; Internet : www.gir-maralpin.org

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Les fausses routes de la LGV-Paca

ou

Comment remettre le tracé des Métropoles sur la bonne voie

 

SYNOPSIS

 

Jacques Molinari

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Le présent synopsis n'évoque que les grandes lignes d'un exposé couvrant l'ensemble d'une problématique que l'auteur considère devoir conduire à une refondation du projet de la LGV-Paca sur des bases prenant en compte l'évolution des conceptions en matière d'infrastructures ferroviaires modernes et, surtout, les exigences de plus en plus prégnantes en faveur de l'aménagement durable de l'Arc méditerranéen et particulièrement de son secteur provenço-azuréen.

Les questions évoquées ici n'abordent pas le niveau organisationnel des métropoles et de leurs dessertes internes qui seront traitées dans l'exposé complet.

L'ensemble se réfère aux nombreux travaux (publications, études, analyses et exposés) dont la plupart sont en ligne sur le site Internet du GIR Maralpin

www.gir-maralpin.org

 

 

Pour  une  approche  rationaliste  de  la  problématique

 

En dépit d'un débat public, dont la préparation par RFF maître d'ouvrage, et le déroulement sous l'égide de la CNDP, furent exemplaires, en dépit de deux années d'un Programme d'études complémentaires<!--[if !supportFootnotes]-->[1]<!--[endif]-->, en dépit de l'unanimité qui s'est faite, tant au sein des institutions qu'en celui de la population, sur l'intérêt du projet, le tracé de la nouvelle ligne n'a toujours fait l'objet d'un choix définitif.

 

Les raisons en sont multiples; mais l'argument majeur, opposé à la préférence affichée sur le tracé des Métropoles du Sud qui s'était dégagée du débat, en serait son coût jugé démesurément élevé.

La première question à se poser devrait être celle du rapport coût/avantages du projet, bien que l'on puisse - à la rigueur – l'esquiver en affirmant d'emblée que, face au considérable enjeu de l'Arc méditerranéen ferroviaire, peu importerait l'ampleur d'un tel investissement en regard de ses perspectives spatio-temporelles.

En réalité, pour autant qu'elle le soit, la démesure de certains coûts n'est pas imputable à la manière dont ils ont été estimés par RFF maître d'ouvrage. Elle l'est, et nous allons le montrer, imputable aux partis adoptés lors de l'élaboration du projet et de ses variantes.

 

Les propositions présentées ici ne relèvent pas des "bonnes idées" que se sont disputées pléthore de représentants bien ou mal intentionnés de la société civile, ni de celles de quelques ténors politiques qui n'ont eu, ni le désir, ni la capacité, d'étayer leurs assertions avant de les livrer en pâture à une presse complaisante et dépourvue d'esprit critique.

Ces propositions dont les principes directeurs sont :

- mixité de la ligne nouvelle

- desserte des cœurs de ville

- refus de gares en rase campagne

vont à l'encontre de celles qui ont prévalu jusqu'ici dans les études conduites par RFF.

Elles sont fondées sur l'analyse de considérations stratégiques, techniques, scientifiques, et même commerciales, sur celle aussi des retours d'expérience des administrations ferroviaires françaises et étrangères, données sans lesquelles il n'est pas concevable de formuler un projet ferroviairement viable.

Nos propositions sont également fondées sur l'analyse de considérations socio-économiques, mais de manière à ce qu'elles répondent prioritairement aux besoins des populations et aux contraintes environnementales.

 

Bien que soit primordial ce dernier aspect, et notamment celui de l'aménagement durable du territoire que nous avons porté en exergue bien avant le débat public et tout au long de ce dernier, nous ne nous y attarderons pas, puisque l'essentiel de ses leçons réside dans la préférence accordée au tracé des métropoles par laquelle nous concluions nos analyses et en faveur de laquelle nous avions été les premiers à plaider.

 

Des  postulats  et  des  dogmes  à  remettre  en  question

 

Avant de présenter la manière de remettre le projet de LGV-Paca sur la bonne voie, encore faut-il recadrer dans son contexte régional, interrégional et international, un projet initialement conçu pour relier Nice à Paris le plus directement possible, et remettre en question une série de dogmes ou d'idées reçues.

Pour ce faire, il ne suffit pas de se référer aux enseignements du débat public et des études conduites depuis, notamment par les administrations ferroviaires, mais il est aussi nécessaire de porter un regard objectif sur l'évolution des réalisations françaises et surtout sur celle des deux autres pays de l'arc méditerranéen, l'Espagne et l'Italie, qui outre le fait d'occuper les deux branches encadrantes du projet LGV-Paca, présentent les options les plus originales en matière de stratégie et d'ingénierie ferroviaires.

 

Lever l'hypothèque des temps de parcours

 

En perdant de vue l'un des objectifs initialement dévolus à la future LGV Paca par l'État en son CIADT du 18 décembre 2003 (celui de compléter le "chaînon manquant de l’Arc méditerranéen"), et en refusant de considérer qu'en matière de projets structurants la priorité devait être accordée au renforcement et à la modernisation d'une infrastructure ferroviaire (laquelle, à l'exception de l'arrivée à Marseille de la LGV Méditerranée, n'a guère évolué depuis les débuts du chemin de fer), les débats se sont égarés en ratiocinations sur quelques minutes à gagner ou à perdre sur le trajet Nice-Paris, en invoquant un mythique seuil des 3 heures au-delà duquel s'effondrerait la compétitivité du ferroviaire sur l'aérien.

Or, quels que soient les raccourcis du trajet terminal, la desserte de Nice restera assujettie aux contraintes du trajet amont (notamment Paris-Lyon) avec des temps de parcours incompressibles et largement supérieurs à ce prétendu seuil que les contraintes nouvelles du transport aérien relèveront inéluctablement.

Par ailleurs, les manque-à-gagner en résultant sur ces parcours seraient de peu d'incidence, les études de trafic récemment conduites par la SNCF ayant révélé qu'avec la ligne nouvelle, les trafics potentiels se répartiraient en trois courants d'égale importance tant sur l'Arc méditerranéen, sur Paris et sur le reste de la France.

En levant ainsi l'hypothèque des 3 heures 30 parfaitement irréalistes et en calant raisonnablement le trajet Nice-Paris sur 4 heures, une plus grande latitude de choix techniques s'offre, et il devient alors plus aisé de satisfaire à l'entièreté des besoins de l'ensemble du territoire.

 

Lever l'interdit sur la desserte des centre-ville et la mixité de la ligne nouvelle

 

Ainsi libérée des affrontements stériles sur les temps de parcours extrêmes, une réflexion nouvelle peut s'engager sur les enjeux majeurs, ceux d'assurer des liaisons de qualité le long du chapelet de métropoles de l'arc méditerranéen et au sein des conurbations qu'elles constituent , de permettre le report modal des trafics fret de transit et de desserte, et enfin de sécuriser l'ensemble d'un dispositif conçu pour répondre aux besoins à long terme d'un littoral méditerranéen dont le développement est jusqu'ici dépourvu de cohérence.

 

La réponse à l'ensemble de ces besoins est apportée par les dispositions adoptées en Italie dans une configuration fort semblable, à savoir sous la forme du quadruplement de l'artère existante, quadruplement obtenu par adjonction au tracé historique d'une ligne nouvelle, cette dernière étant conçue pour la grande vitesse et la mixité, tandis que l'ensemble est étroitement maillé par de nombreux nœuds d'interconnexion, dont les plus importants sont situés en cœur des villes-carrefour.

 

La transposition de ce concept Alta velocità/Alta capacità (AV/AC) au cas provençal est évidente : le réseau maillé à tisser pouvant s'articuler fort rationnellement au cœur (ou à leur proximité immédiate) des grandes villes à desservir que sont Marseille, Toulon, Cannes et Nice, suivant en cela les exemples, non seulement d'Italie, mais aussi d'Allemagne, de Belgique, et d'Espagne où les administrations ferroviaires et les autorités locales ont consenti (notamment à Anvers, Berlin, , Bologne, Florence, Turin) à d'énormes dépenses pour la réalisation de leur traversée urbaine et de leur gare souterraine.

 

Sur  leur  transposition  en  Paca

 

La desserte des villes-centre

 

Hormis le cas de Marseille, la réalisation des gares en centre ville ne soulève en Paca aucune de ces difficultés puisque, sur chacun des autres sites (Toulon, Cannes-la-Bocca, Nice-Thiers et Nice-St.Roch, et, en Italie, Vintimille), les emprises existantes se prêtent aisément à l'accueil en surface des voies nouvelles.

Ce parti suppose bien évidemment que la traversée de ces gares par des rames sans arrêt s'effectue à vitesse modérée, à l'instar des dispositions adoptées en Italie [100 km/h à Bologne et à Rome ; 90 km/h à Florence (en raison de fortes contraintes topographiques locales)].

 

Or, cette hypothèse n'a pas fait l'objet du moindre examen par les administrations françaises qui s'en tiennent au dogme de la performance de bout en bout (reflet de leur souci de concurrencer l'avion) et perdent de vue la nécessité de capter la clientèle où elle se trouve.

C'est pourtant dans cet infléchissement des vitesses que réside une substantielle économie de coûts, particulièrement appréciable dans le cas de Marseille où traversée et gare sont nécessairement souterraines. Un tel infléchissement de vitesse est d'autant moins commercialement dommageable que cette gare sera d'arrêt général pour plus de 90 % des circulations (condition que l'on retrouvera à des degrés divers dans les autres gares-nœud du réseau).

 

Les solutions techniques à adopter en ligne

 

Cette prise en considération des conditions d'exploitation dès la conception du projet reste donc à entreprendre, et elle est d'autant plus capitale que les caractéristiques, tant de tracé que constructives [section et disposition (mono/bitubes) des tunnels notamment] ou encore d'exploitation [raccordements et appareils de voie], sont directement dépendantes de la vitesse de ligne retenue, et que ces conditions sont "durcies" pour la mixité.

Rappelons en effet que, pour une vitesse de ligne donnée, la mixité des circulations impose de diminuer les rampes et d'accroître le rayon des courbes et qu'elle introduit aussi des conditions de sécurité supplémentaires

 

Pour des techniciens ferroviaires, il est clair que la vitesse de ligne constitue le paramètre décisif dans l'établissement du tracé et l'estimation des coûts (le rayon des courbes notamment croît comme le carré de la vitesse).

Or, comme on l'a vu, les gares-nœud du réseau maillé seront pratiquement d'arrêt général et, au mieux, traversées à 100 km/h par des trains sans arrêt. Dans l'intervalle, les rames voyageurs les plus rapides (300 km/h) seront astreintes à des mises en vitesse ainsi qu'à des ralentissements devant s'opérer sur, au moins, une douzaine de kilomètres chacun.

Ces contraintes révèlent l'inutilité de réaliser des tracés aux vitesses plafond sur ces sections transitoires couvrant plus du tiers du parcours entre Marseille et Toulon (67 km par la ligne historique) et pratiquement sa totalité sur Cannes-la-Bocca – Nice et sur Nice – Vintimille (respectivement 34,5 et 35 km par la ligne historique)].

L'optimisation des vitesses de ligne en résultant aurait directement pour effet d'alléger les contraintes de tracé, tant en plan qu'en profil, de réduire la longueur des souterrains ainsi que, de ce fait, le nombre de tunnels bitubes exigés par les normes de sécurité.

Elle aurait indirectement pour effet d'augmenter la capacité de chacune des sections de la ligne où la demande de trafic est particulièrement intense sans compromettre le développement du fret (du fait de l'amoindrissement du différentiel de vitesses).

 

Pour  une  prompte  refondation  du  projet

 

Les considérations qui viennent d'être esquissées se fondent sur des données techniques, économiques et commerciales attestées, dont on déplore qu'elles n'aient pu être prises en compte dans des débats et des travaux où trop de place reste encore accordée à des assertions partisanes.

L'aménagement du territoire de l'Arc méditerranéen, de ses métropoles et de leurs corridors de transport, sont justiciables d'études plus approfondies où les considérations coûts/avantages s'inscrivent dans le long terme et se démarquent de la démarche commerciale qui a prévalu jusqu'ici.

Il ne faut cependant pas perdre de vue l'urgence de remédier aux carences criantes qui se manifestent avec le plus d'âpreté dans les conurbations azuréenne et marseillaise, l'urgence aussi de mettre en œuvre des mesures conservatoires pour que les espaces stratégiques ne soient pas dévolus à des fins incompatibles avec la réalisation du projet. Les propositions ici avancées sont ambitieuses mais présentent sur toutes les autres l'avantage de conférer au projet une cohérence spatiale et ainsi celui d'en autoriser le l'inévitable mais nécessaire phasage.