posté le 03-11-2008 à 12:49:10
Transport de marchandises, logistique, Réginald BABIN, DT du GART (Blog d'O. CREPIN)
Résumé :
Le
secteur de la logistique génère un impact fort sur les mobilités, sur
l’urbanisme, l’emploi et l’aménagement des territoires. Le(s)
transport(s) de marchandises ont en effet en commun avec le(s)
transport(s) de personnes l’usage des mêmes infrastructures en général
et le développement économique des collectivités territoriales. Ces
questions revêtent une acuité particulière non seulement pour les
trafics locaux et domestiques, pour les transits intra-européens en
expansion ; mais surtout pour les flux croissant d’une économie
globalisée dont les principaux lieux de production sont situés hors de
l’Europe, faisant jouer aux grands ports et à leur hinterland un rôle
de plus en plus prépondérant. Les infrastructures terrestres en liaison
avec ces ports, et leur exploitation optimisée, constituent autant
d’enjeux majeurs pour les territoires dans le cadre du développement
durable mais aussi des contraintes budgétaires de la collectivité. La
consommation des populations majoritairement urbaines dépend de façon
essentielle de ces logistiques aux flux mondialisés.
Institutionnellement,
structurellement, réglementairement, les transports de marchandises
routiers sont distingués des transports de personnes en France. Aussi
bien en ce qui concerne les transports publics de voyageurs ou de
marchandises que dans le domaine des transports privés ou pour compte
propre. Dans les domaines ferroviaires, ou fluvial, ou encore aérien,
la chose est plus complexe. Dans le domaine ferroviaire en particulier
les deux activités n’étaient pas séparées jusqu’à une époque récente,
du fait du caractère monopolistique de l’exploitant. A ce titre, compte
tenu des évolutions en cours, la question du fret ferroviaire doit être
traitée spécifiquement.
Globalement, le secteur des transports
collectifs de personnes est un secteur très réglementé, dans lequel les
activités occasionnelles répondant aux caractéristiques commerciales
d’un marché libre occupent une place certes importante, mais
relativement marginale. Les Autorités Organisatrices de Transport (AOT)
et l’Etat interviennent majoritairement à différents titres dans
l’organisation des services réguliers de transport public de personnes
et des activités de taxiteur ou de grande et petite remise. Hormis les
conditions d’accès à la profession et les réglementations applicables à
la circulation des véhicules, fixées par l’Etat, dans le secteur des
transports de marchandises il en va autrement : ce secteur économique,
lui même essentiel à l’économie globale, est librement soumis aux
conditions du marché et les autorités organisatrices n’interviennent
pas. Ainsi, historiquement, du fait de leur environnement économique et
institutionnel propre, les structures professionnelles correspondant
aux transports de personnes et aux transports de marchandises sont
restées cloisonnées dans leurs différents domaines et il n’y a aucune
appréhension globale des problématiques communes de transport et de
mobilité. Pourtant c’est bien l’optimisation des infrastructures de
transport qui rend nécessaire cette appréhension, car les transports de
personnes et de marchandises terrestres sont effectués majoritairement
sur les mêmes infrastructures et en conditionnent donc les capacités,
que ce soit en zone urbanisée ou sur les grands axes qui relient les
centres urbains.
Cependant, il existe de nombreuses zones
d’interférence entre les deux secteurs d’activités, qui justifient que
les AOT se préoccupent davantage des paramètres qui président à
l’organisation des transports de marchandises, et pas seulement en zone
urbaine ; ce qui était surtout le cas jusqu’à présent. Même si « le
transport de marchandises en ville » (telle que la problématique est
abordée par les fonctionnaires du MEEDDAT et du CERTU) mérite une
particulière attention (dans la mesure ou elle peut impacter la
performance des TCSP ou des sites propres bus par exemple), il ne peut
être déconnecté des plateformes de dégroupage et de logistique située
en périphéries ou en zones rurales sur des axes importants, elles-mêmes
reliées à des flux logistiques complexes dont les ports constituent des
hubs aussi essentiels que peu nombreux. Cet aspect est notamment de la
responsabilité directe des AOT urbaines dans le volet concerné des
Plans de Déplacements Urbains (PDU).
Première zone d’interférence,
les transports de marchandises, principalement routiers, participent
intrinsèquement à l’activité économique des collectivités
territoriales. Ils sont directement liés à l’implantation des
entreprises, qui sont elles mêmes un facteur d’aménagement des
territoires. Et cela même s’il faut faire le constat navrant que peu de
contacts existent entre les services chargés du développement
économique et ceux en charge des transports collectifs dans les
collectivités*.
Deuxième zone d’interférence, les entreprises, industries ou zones
commerciales, en fonction de leur localisation constituent à leur tour
des facteurs générateurs de flux importants : soit pour les emplois
qu’elles suscitent (problématiques d’accès à ces emplois qui ne sont
pas nécessairement desservis par des TC), soit pour les flux de
consommateurs qu’elles attirent. Par ailleurs, leur implantation est
souvent génératrice d’habitat suburbain.
Dans cet aménagement des
territoires, la plupart du temps de nombreux acteurs locaux ou
internationaux interviennent à différents niveaux sans aucune
concertation d’ensemble. Les grandes zones commerciales qui supposent
des organisations logistiques extrêmement complexes jouent un rôle
particulièrement important dans l’étalement urbain stigmatisé par
ailleurs. Rappelons que les flux de marchandises s’inscrivent de plus
en plus dans le cadre d’une logistique mondialisée, dans une relation
étroite avec les grands ports européens (peu nombreux à être les
principaux générateurs de trafic et dont l’hinterland est à
considérer), générant des positionnements stratégiques d’entreprises de
plus en plus en zone périurbaines, voire au carrefour des grands axes
autoroutiers en pleine campagne. Il en va de l’attractivité et de la
richesse des collectivités, du bien être des populations. Il convient
néanmoins de ne pas négliger également l’impact des flux locaux
(inférieurs à 250 km), organisés notamment autour des BTP ou de la
production agricole, ou de transit. Il convient aussi de différencier
les activités de transport public de celles qui relève du compte
propre, bien que ces domaines soient de plus en plus imbriqués. Mais
c’est sans doute le rôle considérable des plateformes de dégroupage qui
permettent l’approvisionnement des agglomérations, avec l’opération
terminale qui constitue « la livraison en ville » évoquée plus haut,
qui constitue un des gisement de progrès majeurs. Ainsi, est-ce aux
constructeurs de plateformes logistiques, appartenant à des groupes
étrangers et constituant un investissement très rentable, de déterminer
l’aménagement du territoire ? Aux conséquences desquelles les AOT et
les collectivités devront trouver des solutions coûteuses pour
améliorer progressivement la désserte.
Succinctement évoqué, ce
schéma montre bien que l’efficacité des transports collectifs, le
développement de leur usage, sont directement liés à l’implantation des
zones d’activité industrielle et commerciale et à la maîtrise des flux;
cette logistique, dont la finalité est essentiellement la consommation
de biens ou de matériaux nécessaires aux BTP, est conditionnée par
l’environnement économique global qui préside à l’acheminement des
marchandises. Notamment le coût d’usage des infrastructures. Ainsi
l’impact des formes modernes de consommations doit être considéré dans
toutes ses conséquences sur les infrastructures et les territoires.
Dans
ce contexte, on voit bien comment les AOT ont intérêt à intervenir dans
le modèle logistique global qui prévaut aujourd’hui pour rationaliser
l’usage des infrastructures et favoriser le recours aux transports
collectifs, dans un cadre correspondant aux nouvelles logiques du
développement durable. Plutôt que de devoir traiter à postériori et de
manière toujours plus coûteuse les conséquences de situations non
maîtrisées en amont, il conviendrait de s’attaquer aux causes et à la
génération de flux dont quelques principes simples permettraient de
limiter l’anarchie. Parmi ces pôles générateurs de trafic, les ports
méritent une attention toute particulière. Les agglomérations,
aujourd'hui engagées dans leur gestion sont donc amenées à devenir des
acteurs incontournables de la gestion des flux de marchandises. Elles
ont donc toute légitimité à intervenir sur l'organisation de la chaîne
logistique, et notamment dans tous les modes de transport de
marchandises qu’il est indispensable de combiner plus efficacement.
Il
est clair que dans ce domaine, le fret ferroviaire pourrait jouer un
rôle bien plus important que celui qu’il tient aujourd’hui. Cela à la
demande même des chargeurs et opérateurs de logistiques, qui déplorent
le manque d’offre adaptée, percevant les enjeux économiques globaux
dont ils sont des acteurs essentiels (le domaine ferroviaire étant
lui-même lié au développement des techniques de transport combiné,
largement sous utilisées en France).
Ainsi, la question des
transports de marchandises, pour les collectivités, ne peut être
réduite à la seule question des livraisons en ville. Elle suppose que
l’on s’intéresse aussi bien au développement de modes organisationnels
plus rationnels et moins polluants (telle la logistique développée par
Monoprix), au développement des Short Lines, aux
potentialités des transports combinés sous utilisés, à la tarification
d’usage des infrastructures, à l’harmonisation des règles européennes
propres aux transports routiers, etc.
A
ce titre, il est tout à fait nécessaire de créer des liens et d’établir
la concertation entre les différents acteurs représentatifs du monde
des transports de marchandises et de la logistique et les autorités
locales en charge des politiques de déplacements.
Réginald Babin, 2008