posté le 09-11-2008 à 17:28:24
MARKETING ECOLO ? (in ACTU ENVIRONNEMENT)
Face aux crises de tous ordres – économique, social et écologique – qui
dénotent la fin d’une époque, le développement durable peut-il apporter
une réponse cohérente et systémique ? A l’heure où les ressources
naturelles se raréfient, le développement durable n’est-il pas un
concept trompeur ? Ne faudrait-il pas plutôt parler de décroissance ?
Le modèle de développement des pays industrialisés n’est pas
généralisable, car il n’y aura pas assez de matières premières pour
tout le monde. Ainsi, selon Yves Cochet, député des Verts de la 11ème
circonscription de Paris, invité à ouvrir le débat organisé le 5
novembre à Science-Po Paris à l'initiative de la Confédération
nationale des Junior-Entreprises,
le problème n’est pas technique, il s’agit de mettre en oeuvre un projet de civilisation équitable,
puisque les ressources de la planète sont limitées. La décroissance,
pour des raisons matérielles, est inéluctable, car les limites de notre
monde ne sont pas extensibles.
La seule solution est de réduire nos consommations d’énergies fossiles pour éviter de se retrouver au pied du mur, selon le député des Verts.
Du
reste, nous y sommes déjà, mais nous ne voulons pas l’admettre, tant
nous sommes encore dans le déni, entretenu par une rhétorique
gouvernementale, qui, à l’instar de Christine Lagarde, ministre des
finances, parle de « croissance négative » plutôt que de récession,
alors qu’il faudrait évoquer une « décroissance positive », un concept
qui serait davantage en adéquation avec les évolutions actuelles.
Sans aller jusqu’à accréditer l’hypothèse d’une inéluctable
décroissance, Michèle Pappalardo, déléguée interministérielle au
développement durable, en appelle à une utilisation plus mesurée des
ressources de notre planète :
on peut aujourd’hui vivre selon un mode de vie comparable au nôtre avec 40 à 50% d’énergie en moins.
Au lieu de cela, on gaspille, alors qu’il faut découpler notre
croissance d’avec nos consommations de matières premières. D’autant qu’
on
est aidés par l’augmentation des prix des énergies fossiles. La
contrainte prix va nous inciter à lancer des politiques d’économies
d’énergie et de lutte contre le gaspillage.
Inefficacité énergétique
Mais ces politiques tardent à se mettre en place, pour des raisons
structurelles. Selon Yves Cochet, le lancement du programme
électronucléaire français, dans les années soixante-dix, a entraîné la
multiplication par quatre de la consommation d’électricité en France :
une aberration thermodynamique. L’entreprise EDF, représentée par Claude Jeandron, se dit pourtant intrinsèquement concernée par le développement durable :
le
développement durable renvoie à une dimension sociale et sociétale :
maintenir la fourniture d’énergie pour les familles modestes, tout en
utilisant des moyens de production propres. Propres, le nucléaire
et les énergies renouvelables le sont, dans la mesure où ce sont des
énergies non carbonées, selon le directeur adjoint au développement
durable du groupe EDF. Et
un logement chauffé à l’électricité ne consomme pas plus qu’un logement chauffé aux énergies fossiles,
répond-il, en écho à la remarque d’Yves Cochet. Ainsi l’inefficacité
énergétique est-elle générale, que l’énergie soit d’origine fossile, ou
nucléaire, comme le souligne Michèle Pappalardo :
on est vraiment des gaspilleurs, alors que le premier gisement d’énergie, ce sont bien les économies d’énergie. Mais alors, pourquoi une telle gabegie ?
Comment une entreprise qui vend de l’électricité peut-elle être intéressée à vendre moins d’électricité ?, s’interroge Claude Jeandron. Par une redéfinition de son métier :
à
l’avenir on ne fournira pas seulement un produit électricité, on
fournira aussi un produit de service et un diagnostic énergétique : on
produira de l’énergie moins carbonée et on vendra de l’éco-efficacité
énergétique.
Découplage ou bénéfices
Dans l’immédiat, il s’agit d’isoler les logements et de changer la
manière dont les activités sont implantées sur le territoire, pour
réduire la facture transports. Cet objectif, revendiqué par le Grenelle
de l’environnement, est, de fait, selon Michèle Pappalardo,
plus atteignable que faire 20% d’énergies renouvelables. Yves Cochet renchérit :
c’est
le point sur lequel nous sommes le plus d’accord. La plupart du temps,
les grands offreurs pensent qu’il faut simplement changer d’énergie. Or
il faudrait investir d’abord dans l’isolation des maisons et les
économies d’énergie. Pour autant, je ne crois pas que les producteurs
d’énergie soient décidés à moins produire !. Et de demander à
Claude Jeandron si EDF serait prête à découpler la vente d’électricité
de ses revenus, comme c’est le cas des compagnies électriques en
Californie. Tous les six ou douze mois, les autorités californiennes
fixent un chiffre d’affaires qui couvre les coûts de production et
assure un bénéfice aux entreprises. Si elles vendent plus, elles
rétrocèdent le bénéfice aux consommateurs. Ce système permet à la
Californie d’assurer une fourniture suffisante et sûre à ses résidents,
tout en maintenant son niveau de consommation d’électricité par
habitant 40% au-dessous de la moyenne nationale des Etats-Unis. La plus
grande entreprise de Californie, Southern California Edison, a ainsi
économisé quatre milliards de kilowattheures de 2002 à 2007, soit
l’équivalent de la consommation actuelle d’un demi million de ménages.
Pour l’heure, la stratégie d’EDF repose sur un mix énergétique à
dominante nucléaire : sur ses 36 milliards d’euros d’investissements,
elle en consacre 3,3 milliards au projet de réacteur nucléaire EPR, et
autant à l’éolien. Selon Claude Jeandron, cette double stratégie n’a
pas de raison d’évoluer avec la crise économique. L’objectif de rachat
de British Energy par EDF confirme la tendance, qui accrédite plutôt le
renforcement dans le domaine du nucléaire plutôt que dans celui des
renouvelables…
Agnès SINAI