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Titre du blog : L'URBANISTE QUI TENTE L'URBANISME DURABLE
Auteur : urbaniste
Date de création : 23-08-2008
 
posté le 26-11-2008 à 10:39:23

Introduire le « contrat durable » dans le monde des affaires (in ALTERNATIVES ECONOMIQUES)

Introduire le « contrat durable » dans le monde des affaires

Par Yann Queinnec, directeur de l'association SHERPA

« Moins d'entraves aux investissements privés, sur tout et partout » ; du Grenelle de l'environnement aux couloirs de Bruxelles ou de l'ONU, ce discours continue de rencontrer un accueil bienveillant, faute d'alternative crédible. Il va de soi que sans un minimum de protection de la propriété privée, il n'y a pas de prise de risques. Mais lorsque ce discours est mis en oeuvre sans nuance et sans garde-fou, il débouche sur une argumentation paradoxale. D'un côté, les chefs d'entreprise réclament : « Accordez-nous les conditions d'investissement les plus favorables, le moins d'entrave possible et nous contribuerons à la croissance et la production de richesses ». De l'autre, dès qu'un problème environnemental ou social apparaît, ils haussent les épaules : « nous ne sommes pas responsables du respect des droits de l'homme et de l'environnement, c'est en définitive l'Etat qui l'est et doit en assumer les conséquences. » Un rien simpliste mais efficace.

Ces positions prennent tout leur sens à l'occasion du soixantième anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, dont les Etats sont seuls signataires et les entreprises bénéficiaires sans contrepartie.

Et pourtant, à la lumière du sauvetage récent des banques et d'autres opérateurs privés par l'argent public, il semble plus légitime que jamais de demander des règles du jeu plus claires et un engagement plus marqué de la part des entreprises en matière de prévention et de réparation des risques sociaux et environnementaux. Il faut prouver, y compris par le dépôt de recours judiciaires, que la responsabilité sociale des entreprises (RSE) n'est pas simplement une affaire de communication, et que l'absence de règles du jeu plus claires entraîne une insécurité juridique à la fois pour les entreprises et les victimes.

Les outils juridiques

Il convient surtout de faire preuve d'imagination pour concevoir les outils juridiques adaptés au contexte globalisé et convaincre les entreprises qu'il est mieux de prévenir les risques que d'avoir à les réparer plus tard. (Il est d'ailleurs intéressant de constater que l'une des sources d'innovation les plus riches est le droit de la concurrence, où la RSE s'introduit par le biais des notions telles que la dépendance économique ou la publicité mensongère).

Parmi ces outils juridiques, Sherpa propose le concept de « contrat durable » : il s'agit d'utiliser le fondement même du monde des affaires, le contrat, pour distiller l'intérêt général. On pourrait le définir comme tout contrat conciliant les aspects économiques, sociaux et environnementaux dont l'exécution n'entraîne pas directement ou indirectement de violation des droits de l'homme ou de l'environnement. Nous pouvons considérer, par exemple, qu'un contrat imposant à un sous-traitant de respecter les engagements éthiques du donneur d'ordre, sans toutefois que les conditions financières consenties lui permettent de faire les investissements nécessaires, ne répondrait pas à la notion de contrat durable. En l'état actuel du droit, ce type de situation permet au donneur d'ordre d'échapper à bon compte à toute responsabilité.

Caractéristiques fondamentales du contrat durable

Pour élaborer un contrat durable, il faut au préalable diagnostiquer les incidences potentielles et avérées sur l'environnement (durabilité des ressources et pollution, biodiversité, etc.) et les droits de l'homme (dont les droits sociaux font partie, tels que les définit la charte internationale des droits de l'homme) de l'exécution du contrat projeté. Ce diagnostic permet l'identification des obligations d'intérêt général devant figurer dans les termes contractuels. Cette étape préalable impose donc la réalisation d'études d'impact, dispositifs largement répandus et qui sont au centre des débats sur la RSE.

S'agissant de la répartition des obligations entre les parties au contrat, elle impose l'analyse de leur rapport de force, d'une part ; celle de leur influence respective sur des considérations d'intérêt général, d'autre part. Cette analyse vise à faire peser le respect des obligations identifiées sur la partie la plus à même de les assumer. C'est évidemment à ce stade que le concept de « contrat durable » bouleverse fondamentalement la donne actuelle puisqu'il revient à soumettre des opérateurs privés à des obligations qui leur étaient jusqu'alors étrangères ou cantonnées à une sphère volontaire. Il s'agit, en effet de modérer les excès d'asymétries régulièrement constatées entre un donneur d'ordre et son contractant tels que le déséquilibre d'expertise ou la dépendance économique, qui génèrent bien souvent des conditions contractuelles inadaptées qui compromettent la durabilité du contrat. L'objectif est surtout que les termes contractuels organisent le traitement des impacts sociaux et environnementaux et ce faisant rétablissent une cohérence entre la poursuite légitime d'intérêts privés et ses externalités négatives.

Outre un outil d'interprétation des relations contractuelles en cours, l'objectif ultime du développement du « contrat durable » est de faire émerger de clauses contractuelles d'ordre public international. Sherpa travaille à l'architecture d'un tel contrat en élaborant des clauses types sur la prévention des risques (diagnostic d'impact préalable), l'organisation des mécanismes de contrôle et de reporting régulier (impliquant des acteurs tiers au contrat) et la répartition équitable des responsabilités entre les parties au contrat en cas de dommage, etc.

En ayant recours à l'outil contractuel et à l'équilibre qu'il permet entre mesures volontaires et obligations contraignantes, Sherpa considère qu'il sera plus aisé d'obtenir l'adhésion constructive des opérateurs privés à un tel projet.

 

« Responsabiliser les acteurs économiques »

L'association Sherpa lance une série d'articles consacrés à la RSE sur le site d'Alternatives économiques. On y abordera des thèmes comme les pratiques commerciales trompeuses, les engagements éthiques, le concept de contrat durable, etc.