posté le 22-01-2009 à 12:53:18
Pétrole : la baisse de la consommation pourrait durer (IN Le Monde)
Pétrole : la baisse de la consommation
pourrait
durer
LE
MONDE | 21.01.09
Le monde
est-il entré dans la décroissance de la consommation d'énergie ? Cette
hypothèse, qui aurait fait hurler les économistes il y a encore quelques mois,
est très sérieusement envisagée par les analystes du marché pétrolier. Dans son
rapport sur l'évolution du marché pétrolier, publié le 16 janvier, l'Agence
internationale de l'énergie (AIE) observe que la demande mondiale de pétrole a
baissé de 0,3 % en 2008, pour atteindre 85,8 millions de barils par jour (Mbj),
et devrait baisser encore en 2009. C'est la première contraction depuis
1982-1983.
"On est dans un pic de la demande, dit Pierre Terzian, du cabinet Pétrostratégies. La demande va continuer à décroître, à cause du
ralentissement économique."
Jean-Marie Chevalier (université Paris-Dauphine) confirme :
"Ce pic a trois raisons : le prix
a atteint un niveau si élevé que les gens, notamment aux Etats-Unis, ont
commencé à changer leurs habitudes de consommation ; ensuite, l'éthanol prend
une place qui n'est pas tout à fait marginale ; enfin, bien sûr, la crise
économique pèse sur la demande."
Mais
cette situation est-elle durable ? Plusieurs professionnels estiment que les
choses repartiront comme avant au terme de la crise. "Cette crise économique finira, dit Patrick Haas, PDG de BP France, et l'on retrouvera un appétit dévorant pour le
pétrole." "En sortie de crise, la demande des pays émergents sera
toujours là", estime lui aussi
Olivier Appert, président de l'Institut français du
pétrole.
Sauf que
personne n'ose prédire quand s'arrêtera la crise. Et que des changements
structurels dans les comportements sont peut-être à l'oeuvre :
"la croissance de la Chine est
touchée, dit Jean-Marie Chevalier,
et le gouvernement a pris des
mesures de taxation qui ont bridé la demande. Sur le fond, il y a des limites
physiques : si les Chinois avaient le même taux d'équipement automobile qu'en
Europe, leur consommation serait de 17 millions de barils par jour (Mbj), soit
autant que toute la production du Moyen-Orient. Ce n'est pas
possible."
Les Etats-Unis, aussi, pourraient se stabiliser :
"Ce pays a une marge d'efficacité
énergétique très considérable, note
Eduardo Lopez, de l'AIE. Avec la crise qui va durer et ces gains d'efficacité, il
est probable que la demande ne va pas augmenter pendant
longtemps." C'est aussi
l'analyse de Patrick Haas : "Le changement de comportement de l'été 2008
est en partie structurel. La théorie que la croissance de la demande
est constante est probablement fausse. On est dans un monde qui devrait voir
s'équilibrer sa demande s'il y a une vraie politique
climatique."
L'hypothèse d'une demande durablement en baisse est donc
crédible. Elle est saluée par les partisans de la théorie du pic pétrolier,
selon lesquelles la production mondiale de l'or noir ne peut plus augmenter.
"Le pic pétrolier a été atteint
en juillet 2008, quand le prix du baril a atteint 146
dollars", affirme Yves Cochet, député Vert et président du Groupe parlementaire
d'étude des pics pétroliers et gaziers, qui compte 48 députés.
"A cause de la crise économique,
il y a eu baisse de la demande, donc du prix, donc de l'investissement. S'il y a
reprise, il y a tellement de retard sur l'investissement qu'on n'atteindra
jamais à nouveau 87 Mbj." Mieux
vaudrait donc s'adapter, et accompagner volontairement la
demande.
"ASSURER DES RECETTES
STABLES"
Mais les milieux pétroliers
contestent que le pic pétrolier ait été atteint. "Il y a eu récemment des découvertes importantes,
notamment au Brésil", rappelle Pierre
Terzian. "Le progrès des taux de
récupération permet la réévaluation des réserves
existantes", dit Olivier
Appert. Chez Total, Jean-Jacques Mosconi, directeur de la stratégie, estime ainsi que
"nous avons devant nous pour 30
ans de pétrole conventionnel, 20 ans d'huiles lourdes, 15 à 20 ans
supplémentaires par l'amélioration du taux de récupération. Le monde pourra
produire 95 Mbj en 2020. Mais ce chiffre sera limité par le facteur
géopolitique, c'est-à-dire la volonté des pays producteurs de s'assurer des
recettes stables." Jean-Luc Wingert, consultant, relativise : "La découverte du Brésil est compensée par le déclin
très rapide du champ géant de Cantarell au Mexique. La vision sur le progrès
technique est trop optimiste."
Mais un élément nouveau oriente
le débat : le changement climatique. "Il n'y a pas de signe que les politiques sont prêts à
l'oublier", dit M. Appert. Le discours de
M. Obama l'a confirmé. Et le 8 janvier, à Washington,
pour la première fois, le patron d'Exxon Mobil,
Rex Tillerson, a envisagé
l'hypothèse d'une taxe sur le carbone pour lutter contre le changement
climatique. Si une vraie politique sur le climat s'engageait, la consommation du
pétrole resterait donc à la
baisse.
Hervé Kempf