Le CNRS a réalisé à la demande de l'Ademe une étude faisant l'état des lieux des cartes carbone et développement durable
en Europe et aux Etats Unis. Un rapport qui préconise pour la France
l'élaboration d'un système conçu pour les particuliers sur le principe
du bonus-malus.
« Etat des lieux international des programmes de carte « carbone » pour les particuliers ».
A la demande de l’Ademe, Sandrine Rousseaux, chargée de recherche au
CNRS à Nantes (UMR 3128, droit et changement social), a réalisé une
étude dressant le portrait complet des dispositifs existant ou en
projet en Europe et aux Etats Unis. La carte carbone, ou la carte de développement durable
est de manière générique une carte individuelle incitant les
particuliers à atténuer leur impact sur l’environnement ou à participer
à des actions en faveur du développement durable.
Juriste, la chercheuse a recensé 32 programmes de cartes en Belgique,
Grande Bretagne, France, Pays Bas, Irlande et USA. L’analyse
comparative de ces programmes l’a conduite «
à opérer une distinction entre quatre catégories de programmes :
donation, compensation carbone volontaire, soutien à la consommation et
aux comportements durables, allocation de crédits carbone ».
Des cartes sans sensibilisation des particuliers
Les cartes dites de donation constituent l’essentiel des programmes actuellement existant, mais prévient Sandrine Rousseaux, « elles ne sont pas à proprement parler des cartes carbone »,
il s‘agit plutôt de cartes caritatives. L’établissement bancaire
attribue à des associations dont certaines évoluent dans le domaine de
l’environnement et de l’écologie, des dons dont le montant est calculé
sur la base de certains critères, par exemple un pourcentage des
dépenses réalisées à l’aide de ces cartes. Mais l’usage de ces cartes
ne se traduit pas par une sensibilisation de son titulaire aux
problèmes liés au réchauffement climatique.
Pour ce qui est des cartes carbone proprement dites, les programmes « obéissant à une logique de compensation volontaire sont les plus répandus actuellement » poursuit
l’auteure de l’étude. Il s’agit là encore de cartes bancaires mais qui
disposent d’une application compensation carbone. Cette application
varie d’une carte à l’autre, elle peut reposer sur le versement d’un
montant forfaitaire basé sur les dépenses, ou tenir compte de l’impact
climatique des achats réalisés par le porteur de carte. Mais là encore,
c’est la banque qui affecte une part des sommes dépensées au
financement de la compensation carbone, et non pas le consommateur.
Un système basé sur le principe des quotas de CO2
Les cartes de soutien à la consommation et aux comportements durables
s’apparentent pour leur part à des cartes de fidélité. Elles ne sont
pas attribuées seulement par des banques, mais aussi par des
associations, collectivités… Elles peuvent prendre la forme de portes
monnaie électroniques, les achats permettant de cumuler des points en
fonction des achats (vertueux ou pas, selon les modèles), points
donnant droit à des cadeaux, là encore pas forcément verts.
Enfin, la carte fonctionnant selon le principe de l’allocation carbone
est sans doute dans le paysage actuel la plus efficace en terme
d’incitation à la réduction de l’impact environnemental des
particuliers. Des quotas sont attribués aux titulaires des cartes en
fonction de divers critères, le nombre de personnes par famille par
exemple. Chacun dispose d’un crédit carbone ainsi calculé, un crédit
progressivement débité en fonction de la teneur en carbone de leurs
achats. Lorsque le crédit est épuisé, de nouveaux points peuvent être
achetés sur le marché auprès des particulier qui, eux, ont restreint
leur empreinte environnementale.
Pour des cartes répondant au principe bonu-malus
Ce programme a été élaboré par des chercheurs britanniques et certains
de ses aspects ont été expérimentés à partir d’un marché virtuel
d’échange de crédits carbone. Avantage de cet dispositif, il « instaure une responsabilité des participants pour leurs émissions de CO2 ».
Mais il se heurte aussi à des difficultés : la définition d’un cadre
juridique et fiscal permettant de le mettre en œuvre, la contrainte
imposée aux particuliers ou encore l’élaboration du système de calcul
des quotas attribués à chacun.
« C’est le premier état de l’art sur les cartes carbone et développement durable jamais réalisé »
souligne Sandrine Rousseaux. Mais bien entendu, elle n’en reste pas au
constat. Son rapport débouche sur une recommandation faite aux pouvoirs
publics. « La carte carbone individuelle est un dispositif
innovant, qui permet d’informer et de sensibiliser les particuliers sur
leur impact écologique » estime-t-elle. Aujourd’hui, la chercheuse préconise « l’émergence d’un dispositif hybride de carte de crédit carbone » basé à la fois sur une « comptabilisation des émissions personnelle » et sur « une incitation financière ». « On pourrait par exemple appliquer un système individuel de bonus-malus » avance-t-elle.