publié le 11 mai 2009
Sur le principe, la création de métropoles pour les agglomérations les plus denses fait quasiment l'unanimité. Mais dès qu'on entre dans les modalités d'application, des voix discordantes se font entendre, y compris chez les présidents d'agglomération.
Certains
présidents d'intercommunalité s'inquiètent de la proposition faite par
le comité pour la réforme des collectivités locales de créer par la
loi onze métropoles à partir de 2014. Principale critique faite par ces
élus : le risque de voir se détacher un peloton de tête de grandes
agglomérations puissantes et privilégiées au détriment des
agglomérations de plus petite taille. C'est notamment à leur invitation
pressante que l'Assemblée des communautés de France (ADCF), qui
organisait le 7 mai à Paris sa sixième journée des présidents
d'agglomération, réclame une application élargie du statut de métropole.
"On ne peut assécher le territoire en valorisant quelques espaces
métropolitains", a fait par exemple remarquer Etienne Butzbach. Le
maire de Belfort, qui préside la communauté d'agglomération
belfortaine, compare le concept de métropole à un "label" grâce auquel
les territoires qui le détiendront pourront prétendre à l'installation
de "certains équipements", tandis que les autres en seront probablement
exclus.
"Il y aura la première et la deuxième division", résume de son côté
Gilles Demailly, maire d'Amiens et président d'Amiens Métropole. Pas de
doute, selon lui, l'Etat se prépare à mettre en oeuvre pour les
communautés la politique qu'il a appliquée plus tôt aux universités :
"L'Etat concentre ses efforts sur dix universités et fait financer les
autres par les régions et les départements", explique-t-il en
connaissance de cause, puisqu'il a présidé l'université de Picardie
Jules-Verne.
Ces propos ont fait bondir le député Michel Piron. Auteur en 2006 d'un
rapport sur "l'équilibre territorial des pouvoirs", qui l'a amené à
s'intéresser à la décentralisation en Europe, Michel Piron a rétorqué
que chez nos voisins, on retrouve des agglomérations aux statuts
différents sans que cela ne pose a priori de difficultés. Dans le même
camp, le sénateur Dominique Braye rappelle qu'en 1999, personne "n'a
poussé de cris d'orfraie" quand il a été choisi de réserver la faculté
de créer une communauté urbaine aux intercommunalités de plus de
500.000 habitants.
Pour Edouard Balladur qui a présidé le comité pour la réforme des
collectivités locales et qui a répondu jeudi aux questions des
présidents d'agglomération, le nombre des métropoles "ne doit pas être
un point de doctrine". L'ancien Premier ministre a d'ailleurs rappelé
que le comité n'avait pas fermé la porte aux agglomérations qui n'ont
pas été retenues sur la liste des onze métropoles. "On peut discuter du
nombre des métropoles", a-t-il encore indiqué, précisant qu'il ne
fallait surtout pas "confondre les métropoles avec les capitales
régionales", les premières ayant plutôt une vocation économique.
Didier Marie, président de la communauté d'agglomération Elbeuf-Boucle
de Seine, a acquiescé. Pour lui, "les vraies questions" sont plutôt "du
côté des compétences et des moyens" de l'intercommunalité. Il a proposé
que les communautés d'agglomération puissent de ce fait "caler leurs
compétences sur celles des communautés urbaines".
Transferts de compétences négociés
Didier Marie, qui préside aussi le conseil général de
Seine-Maritime, soulève cependant un autre problème. La création des
métropoles va selon lui modifier "la nature même" des intercommunalités
concernées. Ces "administrations de projet" deviendront en effet des
"administrations de gestion" par le transfert des compétences exercées
actuellement par le conseil général.
Autre question soulevée par les présidents d'agglomération : l'avenir
des départements là où les métropoles vont être créées. Pour Didier
Marie, la remise en cause des compétences du conseil général sur la
partie la plus riche du département va priver celui-ci des moyens de
mettre en oeuvre des politiques de solidarité "financière",
"territoriale" et "humaine".
Edouard Balladur ne croit pas à ce scénario : selon lui, "les
solidarités demeureront". Reconnaissant toutefois que tout risque n'est
pas exclu, il recommande des transferts du département vers la
métropole qui ne soient "ni automatiques, ni complets". Et préconise
que ces transferts soient effectués par la voie contractuelle.
L'avenir des communes situées au sein des métropoles préoccupe
également certains élus. Etienne Butzbach, par exemple, redoute que ces
communes ne deviennent purement et simplement des "arrondissements".
Edouard Balladur réfute l'argument. Les communes qui seront situées sur
le territoire des métropoles conserveront "un conseil élu, un maire,
des attributions importantes, des pouvoirs fiscaux propres, des
recettes propres...". Le président du Sénat n'est pas inquiet non plus.
"La commune reste la cellule souche, mais toute cellule souche connaît
une embryogenèse", commente Gérard Larcher avec des mots qu'il tire de
son expérience de vétérinaire. Celui-ci se dit par ailleurs
personnellement favorable à l'exercice par les futures métropoles de la
clause générale de compétence en lieu et place des communes, mesure que
préconise le comité Balladur. "Si nous n'osons pas dans ce domaine,
nous n'avancerons pas", a-t-il déclaré. Charles-Eric Lemaignen,
président de la communauté d'agglomération d'Orléans Val de Loire et
président délégué de l'ADCF en charge des métropoles, met aussi en
garde ses collègues : "Si l'on ne veut pas que la montagne accouche
d'une souris, il faut définir un socle minimum pour les métropoles."
Faute d'avoir fait cette démarche, l'Italie a raté sa réforme des
métropoles, a fait remarquer l'élu.