POLITIQUE - Actu-Environnement.com - 13/05/2009
En
annonçant qu'un texte relatif au relèvement des seuils de déclenchement
obligatoire des enquêtes publiques serait soumis à la consultation
interministérielle, le ministre chargé du Plan de Relance, Patrick
Devedjian, soulève de vives critiques.
Je viens de proposer à la consultation interministérielle un texte
relevant les seuils de déclenchement obligatoire des enquêtes dites «
Bouchardeau », comme je m'y étais engagé lors de la discussion devant
le Parlement. Je me suis aperçu, à cette occasion, que ce seuil n'avait
pas été revalorisé depuis plus de vingt ans. C'est ce qu'a
déclaré, le 5 mai dernier, Patrick Devedjian, le ministre chargé du
Plan de Relance à l'occasion d'un point d'étape sur sa mise en œuvre.
Il souhaite en effet une réforme de la procédure des enquêtes publiques.
Les enquêtes Bouchardeau
La création des enquêtes publiques environnementales a été instaurée
par la loi n° 83-630 du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation
des enquêtes publiques et à la protection de l'environnement. La loi
est devenue applicable par le décret d'application du 23 avril 1985 et
a été modifiée par la loi Barnier (2 février 1995). Elle prévoit qu'un
projet d'aménagement susceptible de porter atteinte à l'environnement
soit soumis à l'avis du public à partir d'un seuil. Elle a pour objet
d'informer en mairie et de recueillir, préalablement aux décisions, ses
appréciations, observations, suggestions (dans un dossier) afin de
permettre à l'autorité compétente de disposer de tous les éléments
nécessaires à son instruction. Elle vise donc à une meilleure
intégration des préoccupations environnementales dans la plupart des
projets (routes, des barrages, voies de chemin de fer, etc…). Chaque
année, 17.000 enquêtes publiques sont ainsi réalisées, dont 14.000 sont
liées à la loi du 12 juillet 1983. En effet, la catégorie d'enquête
publique, instaurée par cette loi est différente de celle des enquêtes
d'utilité publique qui sont organisées lorsqu'un projet d'aménagement a
un impact sur des intérêts privés souvent par le biais d'expropriation.
Réactions vives à la révision du seuil de recours aux enquêtes
Si du côté du ministre chargé du Plan de Relance, cette proposition
permettrait de développer des projets à échéance très courte pour
soutenir l'économie dans un contexte de crise économique, les
associations environnementales et les Verts se montrent très critiques.
Sa remise en cause est un scandale !, s'insurge Sébastien Genest, le Président de FNE. Cette
annonce, réalisée sans aucune consultation préalable, n'a aucun intérêt
ni économique ni écologique. Pire, elle sous-entend que l'écologie ne
rime pas avec économie, cette vieille erreur que les acteurs du
grenelle avaient pourtant enterré. Décidément, certains font tout pour
que ce plan de relance ne soit pas vert mais bien gris foncé , commente-t-il.
Les Verts dénoncent quant à eux « un contre-sens total ». Une
telle mesure est d'autant plus contestable qu'elle va accroître
l'insécurité juridique des projets en ouvrant la voie à un risque de
contentieux ultérieurs. Les industriels doivent comprendre qu'ils ont
intérêt à réaliser des projets qui respectent l'opinion des populations
et de l'environnement. Le gouvernement devrait encourager les
entreprises qui font des efforts au lieu d'envoyer ce mauvais signal ,
ont écrit dans un communiqué, daté du 7 mai, Djamila Sonzogni et
Jean-Louis Roumégas, portes-parole du parti écologiste. Pour les Verts,
les procédures d'enquête publique servent à rendre les politiques
publiques plus pertinentes et plus démocratiques. […], elles ne font
pas perdre du temps mais permettent souvent d'en gagner en répondant
aux oppositions et en amendant les projets.
Quant à, Bertrand Pancher, Député de la Meuse, président du Groupe
d'études parlementaires Participation du public et gouvernance et
Président de Décider ensemble, il estime que cette proposition oppose
efficacité et concertation. La
tentation du passage en force lors de la réalisation des projets risque
d'engendrer des conflits locaux et d'entraîner une judiciarisation
croissante des procédures, ce qui retarde les projets et risque d'être
contre-productif au regard des objectifs d'efficacité avancés , note-t-il dans un communiqué.
Plan de relance et Grenelle en opposition ?
Cette annonce intervient à la suite d'une réforme, déjà votée au mois
de janvier et dont l'ordonnance vient d'être signé, qui simplifie les
conditions d'autorisation des activités industrielles. Reste qu'elle
devra être acceptée par le Ministère de l'Ecologie, de l'Energie, du
Développement durable et de l'Aménagement du territoire (MEEDDAT) à un
moment ou les partenaires concernés se sont mis d'accord, dans le cadre
des lois Grenelle, sur une réforme de fond des procédures d'enquêtes
publiques. En effet, le projet de loi Grenelle de l'environnement, voté
quasiment à l'unanimité en première lecture à l'Assemblée et au Sénat,
prévoit dans son volet gouvernance environnementale (article 45)
d'améliorer le dispositif de participation du public. Le projet de loi
Grenelle 2 (titre 6, chapitre IV, article 98) propose en outre une
simplification des procédures d'enquête publique.
C.SEGHIER