posté le 25-05-2009 à 23:08:30
Repenser les villes pour lutter contre le réchauffement climatique (IN notre planète)
Repenser les villes pour lutter contre le réchauffement climatique
Tokyo - Japon
crédit : Kei Zhang
Des
villes bien pensées sont-elles la solution au problème du réchauffement
climatique ? En grande partie oui, si l’on en croit la conclusion d’une
étude publiée dans la revue Environment and Urbanization qui remet en
cause les poncifs et idées reçues sur les mégapoles concentrant toutes
les tares environnementales : congestion automobile, étalement sans
fin, déchets qui s’amoncellent et pollutions variées.
Alors que plus de la moitié de la population mondiale vit désormais en
ville, la responsabilité des agglomérations dans le réchauffement
global semble écrasante : celles-ci n’occupent que 2 % de la surface de
la planète, mais elles concentrent 80 % des émissions de CO2 et
consomment 75 % de l’énergie mondiale.
Pourtant l’Institut international pour l’environnement et le
développement montre que beaucoup de villes ont des émissions par tête
étonnamment faibles. Calculés par habitant, les rejets de gaz à effet
de serre de certaines villes sont nettement inférieurs à la moyenne du
pays. Les rejets des New-Yorkais représentent moins d’un tiers de la
moyenne des Etats-Unis ; chaque Barcelonais émet moitié moins de gaz à
effet de serre que l’Espagnol lambda ; tout comme les Londoniens font
deux fois mieux que les Britanniques. Plus surprenant, au Brésil, Sao
Paolo affiche des émissions par habitant qui ne dépassent pas un tiers
de la moyenne brésilienne.
L’explication est simple mais dérangeante du point de vue politique :
une ville compacte, mélangeant logements et activités et desservie par
des transports en commun est moins polluante qu’un habitat individuel
diffus fondé sur le règne automobile. La corrélation entre une faible
densité urbaine et une quantité élevée de rejets de CO2 par habitant a
été démontrée. L’éclairage et le chauffage des bâtiments génèrent un
quart des émissions de gaz à effet de serre dans le monde et, selon les
estimations de la Banque mondiale, les transports comptent pour un
tiers des rejets dans les agglomérations.
"Les villes offrent une vraie chance de réduire le changement
climatique, estime la directrice exécutive de l’ONU-Habitat, dans le
rapport sur "L’Etat des villes du monde 2008-2009". Des villes bien
conçues procurent à la fois des économies d’échelle et la densité de
population pour réduire la demande de ressources par habitant. Nos
données montrent que les politiques qui promeuvent des transports
publics efficaces, qui réduisent l’étalement urbain et qui encouragent
l’utilisation d’énergies renouvelables peuvent réduire de manière
significative l’empreinte écologique d’une ville et les émissions de
CO2."
Autre idée reçue battue en brèche : le développement économique
n’entraîne pas nécessairement d’accroissement de la pollution. Ainsi la
ville de Tokyo émet-elle une quantité de gaz à effet de serre par tête
équivalent à 45 % de la moyenne japonaise, très inférieure aux rejets
par habitant de Pékin ou de Shanghaï, deux fois plus élevés que la
moyenne chinoise.
Les choix politiques en matière d’urbanisme et de transports sont dans
ce domaine déterminants : les transports sont responsables de 60 % des
rejets de CO2 à Sao Paulo, métropole de la congestion automobile,
contre 20 % à Londres ou New York, bien desservis par le métro. Et, aux
Etats-Unis, pays de l’étalement pavillonnaire, une ville comme Atlanta
consomme sept fois plus d’énergie par habitant que Barcelone, ville à
la population équivalente (5,2 millions d’habitants) mais dense de type
méditerranéenne. Il est vrai qu’Atlanta est 28 fois plus étalée que
Barcelone, si bien que les émissions de CO2 liées au transport urbain
sont 11 fois supérieures à Atlanta qu’à Barcelone.
Cette refondation de l’urbanisme intégrant les problématiques
d’énergie, de climat, de logement, de travail et de transport vient de
trouver une illustration concrète et remarquable à Dijon qui vient
d’inaugurer la tour Elithis, le premier bâtiment tertiaire à énergie
positive en Europe. Il s’agit d’un bâtiment standard, réalisé sans
surcoût de construction, qui combine toutes les innovations en matière
d’efficacité et de gestion énergétiques pour être, in fine,
autosuffisant en énergie.
Mais la technologie ne peut pas tout et le vrai défi pour nos villes
consiste à accepter l’idée d’une densification accrue, combinée à une
plus grande mixité sociale et à décloisonnement des grandes fonctions
urbaines : résidence, travail, loisirs, transport.
En moyenne, la distance domicile-travail en France est de 26 km. Elle a
doublé depuis 30 ans. Le transport est devenu le deuxième budget des
ménages, après le logement et avant l’alimentation. Le sociologue Eric
Le Breton indique que les Français consacrent désormais 17,5 % de leur
budget aux déplacements, contre moins de 10 % en 1960. L’envol des prix
de l’immobilier, en hausse de 120 % en 10 ans, a accentué le mouvement
d’éloignement des centres urbains et de leurs dessertes de transports
en commun.
A toute chose malheur est bon et l’augmentation irréversible du prix de
l’énergie va rendre intenable, pour des raisons liées au pouvoir
d’achat, le modèle d’étalement urbain dominant depuis 40 ans. Penser
des villes durables mais offrant un haut niveau de services et de
confort à leurs habitants suppose que nous accomplissions une triple
révolution : politique d’abord, en organisant le développement urbain
autour du concept de sobriété, économique ensuite, en réorganisant le
travail et la production de biens et services autour du concept
d’efficacité énergétique et éthique enfin en acceptant une profonde
mutation de nos habitudes et modes de vie de manière à accélérer ce
passage inévitable vers des villes réhumanisées.