La réponse mérite un ouvrage entier tant il est vrai que la poussée fulgurante de l’urbanisme et de la démographie pose de graves problèmes à l’environnement. Etant difficilement concevable de raser toutes les villes actuelles pour les rebâtir de façon adaptée, répondre à cette question suppose, pour les sociologues et les spécialistes des transports, d’inventer une nouvelle urbanité.
Extrait du livre de Patrick Widloecher « Se déplacer sans polluer ». Avec l’accord de Spécifiques Editions.
Au plan écologique, l’un des enjeux est de réaménager les cités en
les rendant plus compactes afin que les déplacements soient moins
fréquents et les distances effectuées plus courtes. Au plan social, un
autre défi à relever est l’arrêt du décrochage entre un centre
muséographié, des banlieues stigmatisées et des périphéries
privatisées. Les urbanistes mettent en évidence l’écart grandissant
entre d’une part, une ville réservée aux riches qui pourront se payer
le logement au centre dans des environnements protégés de qualité et
d’autre part, la périphérie peuplée par les moins aisés pour qui se
posera la problème de leur circulation pour aller au travail, ou
accéder aux lieux de loisirs, de consommation et de culture.
Plusieurs schémas sont dans les cartons. Ils sont souvent
complémentaires. Nous entrons dans l’ère de la ville-réseau. Au lieu de
reposer entièrement sur les réseaux fixes de la circulation physique,
elle s’appuie sur les technologies de l’information. Le temps devient
plus structurant que la distance physique. La gestion des déplacements
passe d’un système centralisé à un système où chacun peut choisir son
itinéraire en fonction des informations qu’il collecte. Les
déplacements de proximité en mode non routier constituent aussi un
enjeu d’urbanisme. Les habitants des villes devront avoir envie de se
déplacer à pied ou à vélo.
« Ville passante » et « ville creuse »
L’architecte David Mangin s’emploie à défendre le principe de la
« ville passante » conçu sur l’idée d’une moindre dépendance
automobile, d’une forte hétérogénéité des architectures et d’une
véritable diversité d’usages. Pour lui, il y a désormais une
incompatibilité totale entre la circulation automobile et les villes
agréables à vivre aux quelles tout le monde aspire. Il faut revoir de
fond en comble la mégapole dans laquelle on a vécu lors des trente-cinq
dernières années, fondée sur l’omniprésence des infrastructures
routières, de l’urbanisme commercial et des ensembles de maisons
individuelles.
Jean-Louis Maupu, ingénieur des Ponts, s’attache à la conception
de villes nouvelles. S’appuyant sur le fait que dans les trente ans à
venir plus de 30 villes totalement nouvelles vont pousser, il conçoit
un nouvel agencement des circulations et des lieux, ce qu’il appelle
une « ville creuse ». Favorable à la marche et au vélo, elle dessine
autour d’un grand creux de verdure un chapelet de quartiers mixtes
desservis par une boucle de tramways doublée d’une rocade routière.
Cette ville peut croître sans perdre ses atouts mais en ajoutant de
nouvelles boucles. Dans le même esprit, certains architectes imaginent
des villes circulaires avec interdiction de rouler dans les dix
kilomètres de diamètre du centre ville ou ne rouleraient que des
tramways et des vélos.
La ville écolo , c’est pour quand ?
Des villes où les piétons et les cyclistes seront rois. Des
métropoles avec des quartiers où les transports collectifs et les
voitures ne pollueront pas. Des rues et des boulevards sans
embouteillage, dotés de technologies rendant fluide la
circulation...c’est en cours. Depuis plusieurs années déjà, en Suède,
en Allemagne, au Royaume-Uni, de nouveaux quartiers « flexibles et
modulables » sortent de terre. Ils proposent des techniques de
construction prenant en compte, dès la conception, des paramètres
énergétiques. L’aménagement et la desserte sont prévues dans le souci
de faciliter les accès et la coordination entre transports en commun et
urbanisme.
Le quartier londonien de Betzed se distingue par son réseau de mutualisation des véhicules combinés avec le train.
La ville de demain disent les urbanistes sera une ville truffée de
technologies, avec des automobiles guidées quasi automatiquement grâce
à des capteurs disposées dans les rues et dans les véhicules. Les
technologies de vidéo embarquée, les dispositifs de guidage optique
réguleront la fluidité du trafic. Elle sera couverte par des énergies
renouvelables produites localement. L’enjeu ? Que tous les habitants
puissent organiser l’ensemble de leur vie sur place.
En France, une dizaine d’ « Ecopolis », projets de cités modèles
technologiques et écologiques, est à l’étude. L’objectif de la FFB
(Fédération Française du Bâtiment) et de la Fédération nationale des
Travaux publics qui mènent cette réflexion est d’apporter des solutions
d’aménagement concrètes pour l’environnement, les transports et les
services.
Certains cabinets d’architectes, en association avec des
chercheurs, planchent sur la réalisation d’ « architectures réactives »
permettant à des bâtiments de changer de forme pour s’adapter aux aléas
du climat, aux usages des habitants et aux nouveaux moyens de
circulation. L’interconnexion de ces bâtiments donnerait alors
naissance à des villes intelligentes, capables de résoudre les grands
problèmes qui découlent d’une croissance urbaine incontrôlée. Le futur
verra une nouvelle forme de ville dans laquelle l’empreinte écologique
de ses habitants est réduite au maximum. Une ville écologique est en
train de naître près de Shanghaï. Son nom ? Donstan. Inaugurée dans
deux ans, elle sera couverte d’éoliennes, de panneaux solaires. Est
également prévue la transformation de la biomasse des rizières
environnantes. Une usine de transformation agroalimentaire sera
construite, et les cultures de produits bio seront privilégiés. Il n’y
aura pratiquement pas de voitures à essence. La ville encouragera le
vélo et la marche à pied. Aucun domicile ne sera à plus de 5 minutes à
pied du premier transport collectif... à l’hydrogène.